Vingt-quatre heures après le naufrage d'un chalutier au large de la Libye avec potentiellement 950 personnes à bord, un navire transportant plus de 300 personnes aurait commencé, hier, à sombrer, selon l'Organisation internationale pour les migrations. Face à « une accélération » des drames depuis le début de l'année, « nous devons agir », a déclaré le président français, François Hollande. « L'hypothèse d'une intervention militaire n'est pas sur le tapis, mais ce qui est possible, ce sont des interventions ciblées pour détruire un racket criminel », a déclaré Matteo Renzi, chef du gouvernement italien, lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue maltais, Joseph Muscat. « Des attaques contre le racket de la mort, des attaques contre les esclavagistes (les passeurs) font partie du raisonnement », dit-il, ajoutant que des équipes du ministère de la Défense italien étudiaient ces possibilités. Paolo Gentiloni, son ministre des Affaires étrangères, a déjà évoqué cette possibilité dans un entretien au Corriere della Sera. Il avait parlé des « actions antiterroristes ciblées, par exemple dans le cadre de la coalition anti-Daech, des actions contre le trafic d'êtres humains ». Jorge Fernandez, ministre espagnol de l'Intérieur, juge nécessaire de « pacifier » la Libye et d'autres pays comme la Syrie. « Ce qu'il faut faire, c'est rétablir la normalité dans les pays d'origine et dans les pays de transit, collaborer pour leur développement, pacifier la région. » Selon Rome et Madrid, « si ces conflits belliqueux tragiques en Syrie et dans d'autres zones ne s'étaient pas produits, le problème (...) n'aurait pas la gravité et l'ampleur que nous observons en ce moment ». Angela Merkel, la chancelière allemande, a appelé l'Union européenne à chercher « d'urgence » les réponses à deux questions : que pouvons-nous et devons-nous faire ? « Comment pouvons-nous agir en Libye et sur la Libye pour empêcher que la situation de politique intérieure compliquée dans ce pays ne laisse la voie complètement libre aux trafiquants d'êtres humains pour leur business criminel ? », s'interroge son porte-parole. « Nous n'avons plus d'alibi. Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop », admet Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne. C'était hier au Luxembourg à l'ouverture de la réunion des 28 ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'UE. « On a besoin de mesures immédiates », dit-elle, citant la nouvelle « stratégie » sur l'immigration pour l'UE, qui doit être présentée à la mi-mai et le renforcement de l'opération européenne de surveillance maritime Triton (21 bateaux et 4 avions). La Méditerranée, un cimetière « Il faut des moyens beaucoup plus conséquents », suggère le ministre français Harlem Désir. « Je vais poursuivre les discussions avec les dirigeants européens, la Commission et le service diplomatique de l'UE sur la façon de remédier à la situation », a déclaré le président du Conseil européen, Donald Tusk, précisant qu'il pourrait convoquer un sommet extraordinaire pour examiner ce qui représente potentiellement « la pire tragédie », dont sont victimes des migrants, jamais intervenue en Méditerranée. L'Italie, la Grèce, Malte et l'Espagne, qui portent la quasi-totalité du fardeau - 35.000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l'Europe depuis le début de l'année, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés, 1.600 sont portés disparus -, attendent des autres pays européens un réel et efficace renforcement des secours en mer et une répartition des migrants. « La réputation de l'Union européenne est en jeu », estime le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni, souhaitant, comme Mme Mogherini, voir le Vieux Continent mettre en place « une véritable politique migratoire » pour effacer les politiques en vigueur qui ont fait de la Méditerranée, un cimetière et des pays de l'Europe du Sud, un entrepôt d'êtres humaines. Chaque jour, entre 500 et 1.000 personnes sont récupérées par les garde-côtes italiens. Plus de 11.000 l'ont été en une semaine.