Le rêve d'une Afrique du Sud multiraciale semble mis à mal. La chasse aux étrangers, sommés, fin mars dernier, par le roi des Zoulous, Goodwill Zwelithini, de plier bagage, porte les stigmates du racisme ordinaire aux antipodes des idéaux de la patrie de Mandela. Le pays Arc-en-ciel a beaucoup souffert des violences xénophobes qui ont secoué, ces 15 derniers jours, l'agglomération de Durban avant de s'étendre à Johannesburg érigé en township de la mort. Au mieux, la peur a envahi les Africains d'Afrique du Sud pliant sous le couvre-feu. De retour dans leur pays d'origine, la cohorte des « Africains d'Afrique du Sud » restera pour longtemps une plaie béante. Plus nombreux, les Zimbabwéens ont effectivement plié bagage. Un premier contingent de 406 réfugiés est arrivé, lundi dernier, à la frontière. Des centaines de Malawites (390) ont regagné, à bord de 6 autocars, Blantyre, la capitale économique, pour échapper au lynchage. Quant au Botswana, l'arrêt des consultations des spécialistes sud-africains a été décidé pour éviter le syndrome des violences xénophobes. En fait, explique Bram Hanekom, directeur de Passop, une ONG d'aide aux réfugiés, « les étrangers sont vilipendés au quotidien, accusés de délinquance et cette diabolisation, au long cours, a créé un environnement propice à ces attaques insensées ». La belle aventure de l'Afrique du Sud, réconciliée avec les valeurs humaines, de solidarité et de justice, devait-elle connaître un épilogue aussi dramatique ? Accusé pour son apathie, le gouvernement sud-africain sort de sa réserve pour tenter de ramener le calme revendiqué désormais par la roi des Zoulous accusé d'être à l'origine des violences. Même si la tension reste perceptible, hier, aucun incident sérieux n'a été signalé depuis le week-end. En visite dans le vieux township d'Alexandra, à Johannesburg, la ministre de la Défense, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, a annoncé le redéploiement de l'armée pour maintenir l'ordre et, précisera-t-elle, assister la police dans la lutte contre les violences xénophobes. « Nous venons en dernier ressort. Nous venons parce qu'il y a une crise », insiste la ministre, assurant que la décision n'avait pas été facile à prendre, au regard du syndrome de l'apartheid écumant les townships à l'époque de l'apartheid dans les années 1980 et 1990. « L'armée est la dernière ligne de défense. L'armée va être utilisée comme force de dissuasion contre la criminalité que nous observons », a-t-elle souligné en vertu du principe du rétablissement de l'« autorité de l'Etat ». Le retour sur scène de l'armée au « bon moment », demandé par le Forum de la diaspora africaine, principale association d'immigrés africains en Afrique du Sud, est une intervention qui se fera de façon graduelle en terrain miné.