Des unités de la police municipale de Johannesburg et de la police antiémeute ont été déployées, hier, en renfort dans les townships ou quartiers de la capitale économique. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) s'est dit «très préoccupé». Les violences xénophobes commencent à prendre des proportions inquiétantes en Afrique du Sud. Les populations autochtones s'en prennent particulièrement aux immigrés africains installés dans les grandes villes, dont Johannesburg et Durban, leur reprochant de «voler» leur travail. En trois semaines, les attaques ont fait au moins six morts (15 selon une association) et 5000 déplacés. La police a confirmé, encore hier, la mort d'un autre étranger dans le township d'Alexandra, à Johannesburg, où s'entassent 400 000 personnes, mais elle s'est refusé à établir un lien dans l'immédiat avec les violences en cours et n'a pas révélé sa nationalité. L'homme a été poignardé et est décédé à l'hôpital, selon des photographes locaux. Les violences de ce genre sont récurrentes en Afrique du Sud, géant économique du continent, qui accueille deux millions d'émigrants africains officiellement recensés et de nombreux réfugiés et sans-papiers. Ces troubles reflètent les frustrations de la majorité noire du pays, toujours privée d'accès à une école de qualité, à des salaires décents ou à l'emploi tout court. Le porte-parole de la police provinciale, Lungelo Dlamini, a précisé que les violences sont surtout le fait «de petits groupes de 20 à 30 personnes qui en profitent pour piller et casser». A Alexandra, grand township pauvre du nord de Johannesburg à la réputation sulfureuse, «de petits commerces appartenant à des étrangers ont été volés», selon M. Dlamini. Hier, plusieurs magasins ont gardé leur rideau baissé. Des violences se sont aussi produites dans le sud-est à Thokoza, et les quartiers de Cleveland et Jeppestown ont aussi été touchés : vendredi soir, un face-à-face violent a opposé les riverains d'un foyer de travailleurs de Jeppestown à la police. Pressions diplomatiques Alors que la pression diplomatique s'accentue pour éviter une réédition du bain de sang de 2008 au cours duquel il y avait eu 62 morts, M. Zuma, qui devait s'envoler hier soir pour l'Indonésie, pour le 60e anniversaire du Sommet des non-alignés, a annulé ce déplacement «pour s'occuper des affaires intérieures liées aux violences contre les étrangers». La Présidence a appelé la police «à continuer à travailler sans relâche pour protéger les populations et faire juger les auteurs» de violences. Elle a annoncé qu'elle allait, la semaine prochaine, «engager le dialogue» parce que «nous avons besoin que tous les leaders travaillent ensemble pour faire revenir la situation à la normale». Face au climat de peur qui règne dans les townships des grandes villes où ont lieu d'horribles chasses à l'homme, le Forum de la diaspora africaine (ADF) a carrément demandé l'intervention de l'armée. Le gouvernement «compte attendre jusqu'à combien d'immigrants tués pour utiliser l'armée comme en 2008 ?», a déclaré le porte-parole de cette association, Jean-Pierre Lukamba, d'origine congolaise. Hier, des unités de la police municipale de Johannesburg et de la police antiémeute ont été déployées en renfort dans les townships ou quartiers de la capitale économique. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) s'est dit aussi «très préoccupé». De son coté, le président zimbabwéen Robert Mugabe, allié historique de l'ANC (le parti au pouvoir en Afrique du Sud) a dénoncé des actes «impardonnables» dans un discours prononcé pour l'anniversaire de l'indépendance nationale, tout en se disant rassuré par les déclarations de Jacob Zuma. Son pays compte beaucoup de ressortissants en Afrique du Sud. Des manifestations de protestation ont eu lieu dans plusieurs capitales d'Afrique australe. Gagnés par l'inquiétude, des pays d'origine des immigrés se préparent même à rapatrier certains de leurs ressortissants. Pour ces derniers, le rêve sud-africain a définitivement viré au cauchemar.