Le procès de l'affaire Khalifa Bank, dans son troisième jour, s'est ouvert avec l'audition de l'accusé principal, Rafik Abdelmoumène Khelifa, en présence de l'ensemble des accusés et d'un important nombre d'avocats et de journalistes. Lors de l'ouverture du procès, le juge Antar Menouar n'a pas trop attendu pour appeler Abdelmoumène Khelifa à la barre. Pour le bon déroulement du procès, le président de l'audience a préféré entamer ses questions en respectant l'ordre des chefs d'accusation, et c'est avec faux et usage de faux des documents administratifs que le procès a commencé avec un accusé serein et habile. Ce dernier a nié avoir falsifié les documents chez le notaire Rahal pour contracter un crédit bancaire en hypothéquant une villa à Hydra et un fonds de commerce qui appartenaient à ses parents. Il argumente que le crédit contracté auprès de la BDL était destiné à une entreprise de matériaux de construction. « Je n'ai rien à voir avec ce crédit et je n'ai jamais demandé un crédit bancaire à la BDL mais un bon de caisse pour gérer mon entreprise. Tout ça, c'est un dossier fictif », répond l'accusé. Le juge revient à la charge pour évoquer l'utilisation d'un cachet humide du notaire Rahal alors que ce dernier était en voyage. Il évoque aussi les déclarations d'Issir Idir, attestant l'avoir accompagné chez le notaire pour régler ce dossier. « Je n'ai rien à voir avec cette histoire. Comment pourrais-je hypothéquer les biens de mes parents sans les avertir ? C'est insensé », souligne l'accusé. A la question relative à la création de la banque Khalifa, il répond que c'est durant l'ouverture du marché et la libération du secteur bancaire que l'idée lui est venue de créer une banque et répondre à la demande du marché. « Ce n'est pas très courant qu'un fabricant de médicaments crée une banque », lui rétorque le juge avant de lui demander s'il avait des connaissances bancaires pour pouvoir se lancer dans la finance. Réponse : « Oui, j'ai fait des stages de 15 à 20 jours en France (1995-1996) et j'ai pu avoir des connaissances sur la gestion. En 1996, j'ai déposé le dossier auprès de la Banque centrale pour avoir l'agrément et j'ai satisfait toutes les conditions requises. Ma famille a participé avec 67% du capital et le reste appartient aux actionnaires Kaci Ali et Guelimi Djamel. » « Connaissez-vous Keramane. Est-il un parent à vous ? », questionne le juge. « Oui, c'est un parent lointain à ma mère », répond Abdelmoumène Khelifa. C'est en date du 12 avril de 1998 que la banque Khalifa a été créée avec un capital de 500 millions de dinars. « C'est moi qui ai déposé le dossier d'agrément au Trésor public de Tipasa », note l'accusé. Le juge l'interroge sur la manière dont il a attiré autant de clients y compris parmi les entreprises publiques. Sur cette question, Abdelmoumène affirme avoir utilisé les techniques universelles. C'est-à dire la publicité et les incitations en matière de taux d'intérêt. « De 1998 à 1999, les banques offraient un taux d'intérêts de 7% aux clients. Nous, nous avons opté pour un taux de 11% à 13%. Nous n'avons jamais eu de problèmes avec nos clients en matière de retraits ou de dépôts », explique-t-il. Autre interrogation du juge : comment l'accusé a-t-il pu lancer en si peu de temps une banque, une compagnie aérienne, une société de catering, Khalifa Construction, Khalifa Graphique et Khalifa TV. En ce qui concerne cette dernière, l'accusé explique qu'il voulait montrer aux Européens un autre visage de l'Algérie qui venait de traverser une période difficile. « Et comment expliquez-vous les fêtes organisées ? », demande le juge. « Elles entraient dans le cadre de l'activité des émissions de la chaîne de télévision K. TV », dit-il « Pourquoi avez-vous quitté le pays ? » « Parce que je savais depuis septembre 2003 que la banque allait fermer. » « Nous allons prouver que c'est une machination » Le juge : « Pourquoi n'avez-vous pas affronté ces problèmes puisque vous n'aviez rien à vous reprocher. Et en 2007, pourquoi n'avez-vous pas assisté au procès ? » « J'avais mes raisons. Dieu merci, tout le monde est là aujourd'hui et nous allons prouver que c'est une machination », réplique l'accusé. Le juge revient sur le rôle de la commission d'inspection qui a effectué dix inspections au niveau de la banque Khalifa, lesquelles attestent que la banque Khalifa n'a jamais répondu aux réserves et orientations données. « Nous avons répondu aux doléances de la commission d'inspection en 2000 et jusqu'en 2002, nous n'avions eu aucun problème avec la Banque centrale. Lors de la sixième inspection, en 2001, la commission relève un danger dans la gestion de la banque Khalifa car il y a un manque constaté dans le contrôle des transferts dans le cadre du commerce international. Je connais les méthodes de l'inspection. Ils viennent et vous disent qu'il y a un trou de 30 milliards alors que ce n'est pas vrai », affirme Abdelmoumène. « Durant la période 2001-2003, n'avez-vous pas opéré de transferts d'argent à l'étranger ? », lui lance le juge. « Non, je ne l'ai pas fait », répond-t-il. Le président de l'audience lui rappelle le PV de l'enquête qui a révélé plusieurs irrégularités dans les écritures comptables notamment dans la caisse principale de la banque dont les dépôts étaient estimés à plus de 2 milliards en dinars et en devises. Sur ce sujet, l'accusé explique que techniquement, cette histoire ne tient par la route. « N'avez-vous pas donné des instructions à Belloumi et Ighil (anciens joueurs de football, ndlr) afin d'inciter les directeurs des OPGI à placer leur argent dans votre banque ? », lui demande le magistrat. « Non, pas du tout. » « Pourquoi vous avez choisi de sponsoriser l'O Marseille ? », questionne le juge. « J'ai opté pour Marseille par rapport à nos émigrés et pour faire de la publicité à notre compagnie aérienne Khalifa Airways », répond l'accusé qui insiste pour dire que son départ à l'étranger n'était pas une fuite. Pour ce qui est de l'utilisation et de la distribution des cartes Mastercard et American Express à des personnalités algériennes, il explique que c'est une faveur faite à ses clients qui possédaient des comptes bancaires à Khalifa Bank. Enfin, l'accusé avoue regretter d'avoir fait don de deux stations de dessalement d'eau à l'Algérie car ce geste lui a attiré des ennuis.