Washington envisage de déployer de nouveaux missiles à moyenne portée en Europe (1.000-5.500 km). La capitale fédérale accuse Moscou d'avoir violé le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) de 1987, en testant un missile terrestre de croisière interdit par ce traité signé par l'ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev et le défunt président américain Ronald Reagan. Selon les médias, la Maison Blanche envisage trois options : le développement des moyens de défense, une frappe préventive visant les armes violant le traité et une frappe nucléaire contre les centres industriels de l'ennemi. Les Américains pourraient prendre une décision vendredi prochain à Stuttgart où une réunion est prévue entre leur secrétaire à la Défense Ashton Carter et des responsables militaires en Europe. Au menu : « considérer un éventail de réponses militaires potentielles à cette violation » du traité et « s'assurer que la Russie ne gagne pas un avantage militaire significatif » du traité, déclare le porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Joe Sowers. Robert Scher, un haut responsable du Pentagone, a indiqué en avril lors d'une audition parlementaire qu'une option pourrait être de renforcer les défenses contre des missiles de croisière russes. Une autre option serait, selon lui, de « voir comment nous pouvons attaquer ce missile là où il se trouve en Russie ». Une dernière option, selon lui, serait de « regarder ce que nous pouvons mettre en situation de risque en Russie », laissant entendre que les Etats-Unis pourraient chercher à menacer d'autres cibles que les missiles eux-mêmes. En décembre dernier, le porte-parole du Pentagone Brian McKeon a fait savoir que l'option de frappe préventive impliquait un possible déploiement en Europe de missiles de croisière basés au sol, même si cette option serait contraire au traité. « Il n'y a absolument aucune raison militaire de déployer des missiles en Europe. Du point de vue militaire, ce serait absurde », estime le professeur à l'Institut de technologie du Massachusetts, ex-conseiller du Pentagone, Theodore Postol. Selon ce dernier, un éventuel déploiement de missiles terrestres US en Europe ne fera qu'augmenter les risques d'un accident inattendu ou d'une mauvaise appréciation susceptibles de provoquer un conflit nucléaire. Il rappelle que les Etats-Unis disposent déjà de missiles balistiques Trident II conçus pour être lancés à partir de sous-marins nucléaires et capables de détruire les cibles lourdement protégées. « Les possibilités offertes par les missiles Trident II sont sans aucun doute suffisantes pour tous les objectifs stratégiques », indique Postol. Moscou dément. Elle dénonce les accusations « infondées » de Washington estimant que cette dernière n'y a « aucune preuve à l'appui ». Pour les Russes, les Américains cherchent des prétextes pour installer des systèmes de défense antimissiles à leurs frontières. Selon le président de la commission de Défense et Sécurité du Sénat russe, Viktor Ozerov, Moscou pourrait se retirer du Traité FNI si les Etats-Unis déployaient en Europe des missiles dirigés contre des cibles en Russie. « Si les Etats-Unis décident d'augmenter leurs dispositifs militaires en Europe de l'Est et que ces dispositifs sont dirigés contre la Russie, cette dernière aura suffisamment de forces et de moyens pour donner une réponse adéquate : de la sortie effective du Traité FNI au renforcement des batteries de systèmes de missiles Iskander le long de nos frontières occidentales », a déclaré le sénateur. Dans une interview au quotidien Il Corriere della Sera publiée hier, le président russe Vladimir Poutine a affirmé : « Je voudrais dire qu'il n'y a pas besoin d'avoir peur de la Russie (....) Le monde a tellement changé que les gens de bon sens ne peuvent pas imaginer un conflit militaire d'ampleur aujourd'hui ». « Seule une personne malade — et encore pendant son sommeil — pourrait imaginer que la Russie attaque soudainement l'Otan », a-t-il ajouté. Selon lui, Moscou ne fait que se défendre des menaces extérieures. Les pays membres de l'Otan ont des dépenses de défense dix fois plus importantes que la Russie, a-t-il poursuivi, ajoutant que le budget militaire américain est le plus élevé de la planète.