Réagissant à la décision des Etats-Unis de déployer leur bouclier antimissiles, le patron du Kremlin a annoncé qu'il dirigerait ses missiles vers des cibles européennes, si jamais Washington concrétise son projet. À la veille du déroulement du sommet du G 8, le président russe a fait monter la tension d'un cran en menaçant de pointer les missiles russes vers l'Europe dans le cas où les Américains installaient leur bouclier anti-missiles sur le Vieux continent. La “guerre froide”, qui a prévalue pendant pratiquement un demi-siècle entre Washington et Moscou, semble de retour. “Si le potentiel nucléaire américain s'étend sur le territoire européen, nous devrons prendre de nouvelles cibles en Europe”, a déclaré le chef de l'Etat russe dans un entretien accordé à plusieurs médias occidentaux, dont le quotidien italien Corriere della Sera. Donnant plus de détails sur son intention, il indiquera : “Nous voulons rééquilibrer les instruments de défense avec des outils offensifs plus efficaces, mais nous savons que cela risque de relancer une course aux armements, dont nous ne serions, cependant, pas responsables.” Vladimir Poutine ajoutera : “Il revient à nos militaires de définir ces cibles tout comme de choisir entre missiles balistiques et missiles de croisière.” Par cette annonce, il reprend ainsi au plus haut niveau les menaces à peine voilées exprimées jusque-là par de hauts responsables de l'armée russe. Il faut dire que Moscou ne cesse de dénoncer le projet de bouclier anti-missiles des Américains, lequel, selon Poutine, transformera l'Europe en “poudrière” et consacrera “l'impérialisme” américain. Prenant le relais de son président, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a affirmé sur la chaîne de télévision russe Vesti-24 : “Si des composantes stratégiques de l'arsenal américain font leur apparition en Europe près de nos frontières, nous serons obligés de (...) supprimer les menaces potentielles résultant de ce déploiement.” Pour argumenter la décision russe, il dira : “Regardez simplement la carte (la défense antimissile mondiale américaine) est en train d'être déployée le long du périmètre de la Russie, et aussi, incidemment, de la Chine.” L'avertissement avait été lancé par la Russie, le 30 mai dernier, lorsqu'elle a testé un nouveau missile intercontinental à têtes multiples, en “réponse aux actes unilatéraux et infondés de nos partenaires”, avait clamé M. Poutine. Ainsi, quinze ans après l'effondrement de l'Union soviétique et la fin supposée de la Guerre froide, Moscou voit toujours d'un très mauvais œil l'Otan s'étendre vers l'Est et les bases américaines se multiplier à ses portes, de la Roumanie au Kirghizstan. En somme, c'est la “guerre froide”, durant laquelle l'ex-URSS et les Etats-Unis se mesuraient en permanence à l'aune de leur potentiel stratégique, qui est de retour. Si pour Moscou ce bouclier accroit les risques d'un conflit nucléaire et ébranle l'équilibre stratégique du monde, Washington affirme à qui veut l'entendre que le bouclier anti-missiles n'est pas dirigé contre la Russie, mais contre des Etats comme l'Iran. Vladimir Poutine réfute catégoriquement cette version, car rétorque-t-il “aucun missile iranien n'a de portée suffisante. Il devient alors évident que cette nouveauté nous concerne aussi nous, Russes”. Il veut que Washington abandonne son projet en faveur d'une politique commune de défense qui inclurait la Russie. K. ABDELKAMEL