Omar Saddouk est professeur à la faculté de droit de Boukhalfa à Tizi Ouzou. Auteur de nombreux ouvrages sur le système des relations internationales, il nous explique l'importance de la résolution 1514 et souligne les limites de son application. La résolution 1514 adoptée le 14 décembre 1960 par l'Assemblée générale des Nations unies est un tournant dans l'évolution du droit international. Certes, dès les années 20, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le président américain Wilson avait évoqué le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En Algérie, un homme comme l'Emir Khaled fut alors sensible et s'appuya pour mener son combat politique. Le principe, rappelle le professeur était «également inscrit dans la charte de l'ONU dans son article 1955». «Mais, explique M. Saddouk, cette résolution relative à «l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux» a coïncidé avec le mouvement de décolonisation qui avait déjà permis à divers pays de recouvrer leur souveraineté. Elle avait un caractère plus affirmé». Une année après, le 27 novembre 1961, l'ONU avait mis en place une commission pour la décolonisation constituée de 24 membres chargés de recueillir des informations, de se rendre dans les colonies. La résolution prolonge aussi l'esprit du combat des révolutionnaires américains puis français et de la déclaration universelle des droits de l'Homme de décembre 1948. La résolution est surtout devenue par la suite la référence pour tous ceux qui luttent pour choisir leur destin. Elle a donné de la légitimité aux combats de libération et d'émancipation. Tous les mouvements de libération notamment en Afrique à l'exemple du MPLA en Angola ou de la Swapo en Namibie se sont appuyés sur cette résolution pour clamer leur droit. En Erythrée, en Afrique du Sud ou au Timor Oriental, les mouvements de libération ont toujours intégré à la bonne place cette résolution dans leur littérature politique. Le combat était certes sur le terrain mais on ne pouvait sous-estimer la bataille juridique, tout autant sinon parfois déterminante qui se déroulait dans les arènes internationales. Pour le professeur Saddouk, le référendum reste la voie royale et incontournable pour tout peuple qui veut choisir son avenir. «A condition que la consultation soit régulière et crédible», fait remarquer le docteur qui a soutenu sa thèse en Egypte sur «La reconnaissance des Etats et des gouvernements». Ce fut le cas, rappelle-t-il, en Algérie en juillet 1962 et c'est ce qu'il propose pour résoudre le conflit du Sahara occidental. Certes, l'application du droit international ne trouve que rarement sa traduction sur le terrain. L'exemple le plus patent est celui de l'arrogance israélienne qui refuse de respecter même les résolutions du Conseil de sécurité qui est un organe de décision. La question palestinienne est une illustration tragique sur l'affaiblissement du système des Nations unies. Depuis les négociations entamées à Madrid en 1993, l'ONU a été marginalisée. Le professeur Saddouk rebondit sur la nécessité d'élargir le Conseil de sécurité à de nouveaux membres, venus du tiers monde. «Cela me parait difficile car ces prétendants sont encore désunis et obéissent aux grandes puissances». Pour autant, la résolution 1514 est importante selon le professeur Sadouk. «C'est en s'appuyant sur elle que d'autres résolutions qui tentent de définir le concept d'indépendance ont été prises». Toute la législation qui a marqué les quarante dernières années est un effet direct de la résolution. Il citera notamment deux conventions qui ont plus de valeur qu'une résolution. L'une sur les droits civiques et politiques et l'autre sur les droits économiques et sociaux qui a alimenté tout le débat autour du nouvel ordre économique. Pour M. Sadouk, «on s'est vite rendu compte que l'indépendance ne saurait se réduire à un drapeau ou à un hymne national. Sans un prolongement en matière de contrôle des ressources nationales, elle se vide de son sens». Parlant des difficultés de mettre en application cette résolution, il pointe d'abord le fait qu'elle soit en premier lieu «consultative et n'a pas le caractère obligatoire des décisions du Conseil de sécurité». La limite principale n'est pas pourtant à ce niveau mais l'application du droit reste tributaire du caractère prépondérant de la politique. «Longtemps, explique le professeur Sadouk, les pays socialistes étaient réservés à la convention sur les droits politiques et les pays libéraux sur celle relative aux droitséconomiques». Selon notre interlocuteur, les rapports de force à l'échelle internationale réduisent le caractère contraignant du droit. Il compare le droit international à une toile d'araignée : «Les petits insectes ne passent jamais mais les gros déchirent la toile». En somme, l'Etat de droit n'est pas encore prêt de remplacer le droit de la force. La résolution de 1960 reste pour autant d ‘actualité. «Aujourd'hui, dans différentes régions du mond, nous assistons à une remise en cause des droits des peuples à disposer de leur destin». La mondialisation de l'économie et le poids des multinationales a considérablement réduit la marge de manœuvre de tous les Etats. Désormais, la voie est même ouverte à des velléités d'immixtion.