Déterminé à aller jusqu'au bout de son entreprise colonialiste au Sahara occidental, le Maroc passe à un nouveau stade dans sa stratégie, en appelant par la voix de son ambassadeur au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, à une révision pure et simple du droit des peuples à l'autodétermination. Redoutant les résultats de la prochaine réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Sahara occidental, le royaume alaouite met en branle sa machine dans l'espoir de détourner à nouveau l'attention. La trouvaille cette fois est de réviser le concept même du droit des peuples à l'autodétermination, consacré par la charte de l'ONU. C'est ce qu'a osé demander mardi l'ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l'Office des Nations unies à Genève, M. Omar Hilale en affirmant que ce principe “n'est pas gravé sur marbre et ne saurait se réduire à une seule résolution”, et “qu'à l'exception de la Charte des Nations unies, toutes les résolutions onusiennes ont évolué avec le temps et certaines ont été même annulées”. Ainsi, pour le diplomate marocain, qui intervenait au titre du point 8 de l'ordre du jour de la 10e session du Conseil des droits de l'homme (CDH) relatif au “suivi et (à l')application de la Déclaration et du Plan d'action de Vienne”, “le droit à l'autodétermination, tel qu'énoncé dans la résolution 1514 du 14 décembre 1960, est un principe du droit positif, donc appelé à évoluer et à s'adapter aux mutations profondes du monde et au contexte de chaque situation”. Argumentant sa plaidoirie, il évoquera l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et le Plan d'action de Vienne, qui indique que ce droit “ne devra pas être interprété comme autorisant ou encourageant toute mesure de nature à démembrer ou compromettre, en totalité ou en partie, l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'Etats souverains et indépendants”. Pour être plus convaincant, Omar Hilale citera les résolutions de l'Assemblée générale, qui ont été adoptées après la 1514, particulièrement la résolution 1541 du 15 décembre 1960 et la résolution 2625 dix ans après, le 24 octobre 1970, lesquelles constituent, selon lui “l'arsenal juridique intégral et complémentaire du principe de l'autodétermination”. Il soulignera que “sélectionner l'une et ignorer les autres reviendrait à pervertir ce principe, tant les résolutions des Nations unies sont inter-reliées et ne sont pas à la carte”, sans oublier de faire remarquer que “ce n'est pas un hasard si ces trois résolutions ont un tronc commun qui est la primauté de la préservation de l'intégrité territoriale des pays”. Il expliquera que “si la résolution 1514 a énoncé le principe de l'autodétermination, les résolutions 1541 et 2625 ont codifié sa mise en œuvre”, alors que “la 1541 identifie les critères selon lesquels ce droit peut être exercé”. “Quant à la 2625, elle a élargi ces critères”, tout en soulignant que “l'acquisition de tout statut politique décidé par un peuple constitue pour ce peuple un moyen d'exercer son droit de disposer de lui-même”. Dans un long exposé, l'ambassadeur marocain puisera dans tous les textes juridiques existants tout ce qui pourrait permettre au Makhzen de priver les Sahraouis de leur droit à l'autodétermination. Il aboutira à la conclusion qu'il est “fondamental de préserver l'esprit et la lettre de cette résolution et ce, en évitant toute singularisation des droits de l'homme, tel celui de l'autodétermination, aux dépens des autres droits ou l'établissement d'une quelconque hiérarchisation de ces droits”. En d'autres termes, le Maroc se fixe désormais pour but de vider le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes de son essence. Merzak Tigrine