A la rue Mohamed-Belouizdad, dans la commune de Sidi M'hamed, une impasse a été transformée en parking, gardé par un quinquagénaire. « Je fais généralement mes courses au marché Ali-Mellah et je stationne mon véhicule dans ce lieu en contrepartie de 50 DA. Aujourd'hui, le gardien n'a pas donné signe de vie, peut-être qu'il sera là à mon retour », a indiqué Meriem, assistante médicale et mère de famille qui dit ne pas être au courant de la décision d'éradiquer les parkings sauvages. « On parle à chaque fois de l'éradication de ces parkings, mais rien n'est fait. On a l'impression que les pouvoirs publics sont impuissants et que ces opérations sont occasionnelles », dit-elle. « On n'a pas le choix en raison de l'absence d'espaces de stationnement. Je préfère payer 50 DA et même plus pour m'assurer une place. Je ne vous cache pas que j'ai noué de bonnes relations avec les gardiens des parkings proches des administrations », soutient un jeune. Au boulevard Victor-Hugo, à Alger-Centre, les « parkingueurs » continuent à activer malgré la mise en garde du procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed. « On n'a pas le choix. On travaille aujourd'hui avec les gens qu'on connaît, en prenant des risques, si l'on est interpellé, ça sera la prison », confie un gardien qui se faisait tout discret. « Je suis soutien de famille. J'ai déposé des demandes de travail partout, en vain. On nous pousse à la délinquance », peste-t-il. A quelques encablures de la maison de la presse Tahar-Djaout, à la place du 1er-Mai, trois autres jeunes font le-va-et-vient devant les véhicules en stationnement. L'un d'eux s'approche de notre véhicule pour orienter le conducteur. Ce dernier lui rappelle la décision des pouvoirs publics, mais le jeune en tee-shirt et bermuda s'emporte : « Qu'est-ce que je risque ? La prison. J'y suis déjà allé, payez ou dégagez ! » Un riverain, qui a suivi la scène, indique que des repris de justice ont squatté les lieux pour racketter les automobilistes. « Il est arrivé qu'un gardien exige 100 DA pour garder mon véhicule la nuit dans mon quartier. L'Etat doit sévir et éradiquer définitivement ce fléau. Certains constituent un véritable danger pour la population », déplore-t-il. Payez, sinon... De même pour Halima qui raconte qu'elle a vécu le calvaire au mois de ramadan au niveau du parking situé à proximité de l'espace Printemps, à El Mohammadia. « J'étais accompagné de ma fille âgée de 3 ans. Un jeune m'a demandé 50 DA pour stationnement mon véhicule. J'ai refusé parce que j'ai considéré que c'était du vol. Il m'a alors menacé de briser le pare-brise du véhicule avant de prendre ma fille en otage, j'ai crié, demandé de l'aide, mais personne n'est intervenu, je lui ai remis 100 DA et j'ai quitté le lieu avec ma petite, traumatisée. Je n'ai pas déposé de plainte par peur de représailles. » Un avis qui n'est pas partagé par Ahlem, qui a l'habitude de garer son véhicule au niveau des voûtes de la place des Martyrs. « Je n'ai jamais eu de problème avec le gardien. Il n'est pas exigeant, bien au contraire, il est honnête et je suis plus rassuré pour ma voiture. » Face à cette situation, les habitants de plusieurs quartiers ont signé des pétitions qu'ils ont adressées aux APC pour mettre fin aux agissements des gardiens des parkings sauvages, à l'exemple de ceux de la cité AADL de Bellevue, dans la commune d'Aïn Benian, où une bagarre à l'arme blanche a opposé trois jeunes gardiens du parking aux habitants. Un riverain avait reçu des coups de couteau au dos, et trois véhicules, en stationnement, ont été vandalisés. « On vit un véritable calvaire au quotidien. On assiste quotidiennement à des rixes, des injures, des agressions », déplorent la plupart des habitants des quartiers de la capitale. Une pétition a été lancée sur les réseaux sociaux, notamment facebook, appelant les autorités « à mettre fin à ce vol caractérisé » commis par des « gardiens », armés de gourdins et autres bâtons. « Nous sommes tous responsables. Que l'on soit citoyen, élu local ou agent de l'ordre public, nous avons une part de responsabilité dans cette anarchie qui sévit dans nos rues et ruelles. Seul l'Etat est habilité à prélever de l'argent pour un stationnement dans une rue ou un trottoir public. Mettons fin à toutes ces zones de non-droit », lit-on dans la pétition signée par plus de 5.000 internautes. Les précisions du P/APC d'Alger-Centre La commune d'Alger-Centre compte le plus grand nombre de parkings sauvages. Selon son P/APC, Abdelhakim Battache, contacté par nos soins, les gardiens interpellés sont des individus qui ne possèdent pas d'autorisation d'activité. « Il s'agit de l'application de la circulaire du ministère de l'Intérieur de 2006 à l'adresse des présidents d'APC portant sur les mesures d'encadrement des activités de surveillance des parkings ». Celle-ci définit les espaces à transformer en parkings et ceux à accorder par concession à des personnes qui doivent s'organiser en coopérative de surveillance de parkings. Le cahier des charges fait état également de la nécessité de délimiter les lieux pour ne pas entraver la circulation automobile, mais aussi piétonne. Il est aussi question d'une étude environnementale qui prenne en considération les observations, notamment des commerçants. Le prix est fixé à 30 DA, quelle que soit la durée du stationnement. « On a procédé dans une première étape au recensement des parkings sauvages. On a identifié plus de 75 gardiens clandestins dont une vingtaine seulement a déposé leurs dossiers. On a délivré des autorisations à une quinzaine d'entre eux. Leurs exploitants exercent en toute légalité après l'étude de leurs dossiers par une commission de daïra et une enquête policière. Un recours est déposé au niveau de l'APC pour étude également. Mais certains continuent à exercer illégalement. » S'agit-il de repris de justice ? Abdelhakim Bettache signale que le cahier des charges en question a tranché a question de ceux qui ont des antécédents judiciaires. « L'opération n'exclut pas ceux qui ont passé moins d'un an en prison et qui ne sont pas impliqués dans des délits graves », précise-t-il. 30 DA la place Le cahier des charges définit « les prix, les horaires et la responsabilité de ces personnes en cas de vol ou de détérioration des véhicules », alors que la réglementation et la surveillance de ces espaces devront être placées sous l'autorité de la police. Outre les autorisations, les exploitants des aires de stationnement seront reconnaissables par des gilets et des badges. Renouvelable tous les deux ans, le contrat de gestion des parkings stipule que ces derniers peuvent être confiés jusqu'à trois personnes pour employer le maximum de jeunes. Tout dossier rejeté peut être réexaminé grâce aux recours dont ont droit les postulants, lit-on dans la circulaire. Quant à la tarification, elle est fixée à 30 DA, quelle que soit la durée de stationnement. « Il s'agit d'une période d'essai et le gardien encaisse la recette tout seul. La commune ne prend aucun sou, mais certains gardiens, qui ont rejeté cette mesure, ont exigé une tarification de 100 DA quand on sait qu'ils gagnent dans les 8 000 DA par jour », note le maire d'Alger-Centre. Il existe près de 900 parkings informels recensés durant l'année 2014 répartis sur 55 communes de la capitale. Ils seraient gérés par près de 1.500 jeunes chômeurs, selon les chiffres de la wilaya d'Alger.