En perte d'influence, Paris, qui a mené sa propre campagne militaire en Syrie, est distancé par les Etats-Unis et la Russie qui se sont mis autour de la table des négociations avec les partenaires qui comptent l'Arabie saoudite et la Turquie. A la veille de la rencontre espérée en fin de semaine et dédiée à un élargissement incluant d'autres acteurs internationaux, la France a convoqué une réunion autour des « principaux partenaires régionaux » pour tenter de reprendre la main dans un dossier mouvant. Dans un « dîner de travail », les alliés occidentaux (Etats-Unis, Allemagne, Italie et Royaume-Uni), arabes (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Jordanie, Qatar) et la Turquie vont devoir plancher sur « les moyens d'engager une transition politique vers une Syrie unie et démocratique, respectueuse de toutes les communautés, ainsi que le renforcement de notre action contre le terrorisme », a annoncé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. C'est que les enjeux d'une transition avec ou sans Bachar El Assad imposent la remontée en surface d'un pays largué par son allié américain, préférant valider l'axe Ryad-Ankara, voire Doha, et plus que jamais réduit aux seconds rôles. L'offensive politico-diplomatique a changé de camp. Elle est rythmée par la « Tempête Sukhoï » qui a largement supplanté la campagne occidentale, toutes bannières confondues, marquée par un essoufflement révélateur de son échec. Si le record russe des 94 cibles en 24 heures a montré la prise en main indiscutable, l'absence de frappes aériennes de la coalition, relevée ces trois derniers jours, atteste, à l'évidence, du changement de la donne stratégique. Face au bouleversement de l'équilibre et du rapport de force, l'absence de Poutine à la rencontre parisienne contraste avec le processus de concertation américano-russe qui se décline dans la quadripartite de Vienne. La sentence est prononcée par le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexeï Pouchkov, décrétant, début octobre, Paris totalement hors jeu. « En Russie, on ne parle pas tellement du rôle de la France, c'est surtout de l'Amérique et des contacts avec Washington dont on parle », avait-il asséné. Autre écueil non moins important : le sort de Bachar El Assad qui a vu un assouplissement de Washington et jugé désormais négociable, soutenu par Berlin acquise à sa participation au processus politique, lorsque Paris s'enlise dans l'impasse de « ni Assad ni Daech » tout en renonçant au soutien de l'« opposition modérée ». Face au « fiasco syrien », proclamé par l'ancien Premier ministre et chef de la diplomatie Alain Juppé, et la nécessité impérieuse de « revoir la copie diplomatique » proposée par l'autre ex-Premier ministre, François Fillon, le temps de la remise en cause est venu pour reconnaître l'urgence d'un dialogue avec la Russie et la participation de Bachar El Assad à la table des négociations.