Après l'avoir amèrement perdue, en juin dernier, le Parti de la justice et du développement (AKP) du président turc, Recep Tayyip Erdogan, et de son premier ministre, Ahmet Davutoglu, retrouve « sa » majorité absolue et reprend la main sur le Parlement par une victoire écrasante, lors du scrutin législatif anticipé tenu dimanche dernier. A contre courant des pronostics qui le donnaient amoindri (la quasi-totalité des sondages ne créditaient l'AKP que de 40 à 43% des intentions de vote, insuffisant pour gouverner seul), le parti, au pouvoir depuis 2002, a recueilli 49,2% des suffrages et raflé 316 des 550 sièges de députés, renforçant ainsi les ambitions ultra-présidentielles du président, Erdogan, qui s'apprête déjà à réviser l'actuelle Constitution. D'ailleurs, à l'annonce de la victoire de son parti, le Premier ministre a notamment insisté sur ce projet qui semble être le premier chantier auquel est d'ores et déjà mobilisée toute l'armada intentionnelle du pays. Moins disert sur le sujet, le chef de l'Etat a souligné hier, dans un communiqué, que « les électeurs turcs se sont prononcés en faveur de l'unité et de l'intégrité de la Turquie ». Allusion à la rébellion kurde qui a repris l'action armée après la rupture du deal entre Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « Le résultat des élections a livré un important message pour le PKK. L'oppression et l'effusion de sang ne peuvent coexister avec la démocratie », a-t-il réagi. Des kurdes justement est venue l'autre « surprise » : le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), qui avait fait son entrée triomphale au Parlement en juin dernier, n'y a sauvé sa place que d'extrême justesse. Avec un score de 10,4% au niveau national, il a tout juste franchi le seuil nécessaire pour être représenté sur les bancs. Cette incertitude a provoqué de brefs affrontements en soirée entre forces de l'ordre et jeunes militants kurdes à Diyarbakir, la grande ville du sud-est à majorité kurde de la Turquie. Plusieurs dizaines de manifestants ont tiré des coups de feu en l'air et érigé des barricades de pneus enflammés devant le siège local du HDP. Fortifiée sur le plan interne, la position de l'homme fort de la Turquie demeure néanmoins fragile sur la scène régionale et internationale ; après ses échecs en Syrie notamment. Vis-à-vis de ses voisins européens, M. Erdogan est appelé à œuvrer davantage pour intégrer l'UE. Dans un bref communiqué, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, et le commissaire à l'élargissement, Johannes Hahn, ont affirmé, hier, que l'Union européenne va travailler avec le futur gouvernement turc afin d'améliorer le partenariat avec la Turquie et de continuer à faire progresser notre coopération dans tous les domaines, pour le bénéfice de tous les citoyens », ont poursuivi les deux responsables européens. Avec la crise des réfugiés, l'UE veut qu'Ankara accueille davantage de réfugiés et renforce la surveillance des frontières, en échange de moyens, d'un accès facilité aux visas et de la relance des discussions sur sa candidature à l'UE.