L'ultimatum du 7 novembre fixé par le président burundais, Pierre Nkurunziza, a pris fin hier à minuit. Le pire est-il à craindre ? Dans un « dernier appel », il a exigé la reddition pure et simple aux insurgés en lutte, y compris par les armes, contre le 3e mandat contesté par l'opposition, la société civile et une partie du camp présidentiel, considéré par les observateurs des Nations unies comme étant ni libre ni crédible et jugé contraire aux dispositions pertinentes des accords d'Arusha qui ont mis fin à une décennie de guerre civile (1993-2006). A son paroxysme, le cycle de violence peut-il à tout moment balancer dans un engrenage dangereux alimenté par le bras de fer entre les protagonistes ? Aux promesses d'amnistie et d'une « formation civique » de deux semaines, présentées par le président Nkurunziza à ceux qui rendent les armes, la menace de recourir à « tous les moyens » et la rhétorique « dangereuse et irresponsable » de Bujumbura rendent la situation encore explosive. Plus, une rwandisation, générée par le « langage de l'horreur que la région n'a plus connue depuis 20 ans », place le Burundi au bord de la guerre civile. Le chef du Sénat, Révérien Ndikuriyo, a ainsi appelé à une extermination aux relents ethniques, en menaçant, à la fin d'octobre devant les responsables administratifs de la capitale, de « pulvériser les quartiers » contestataires de la capitale sur le modèle des quartiers hutus bombardés par l'armée dominée par la minorité rivale tutsie. La dérive génocidaire susceptible « d'aggraver la situation et de créer une plus grande instabilité » a été fermement critiquée par la présidente de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma. Le « génocide en marche », évoqué par le responsable du Cnared, large coalition de groupes d'opposition, Jérémie Minani, est porteur de menaces sérieuses d'une « possible guerre civile » appréhendée par le centre de réflexion international, Crisis Group, dans une « alerte conflit ». A la fracture irréversible entre l'opposition et le pouvoir, il reste seulement le rempart de l'armée « seule institution capable d'arrêter cette glissade », néanmoins « proche du point de rupture », pour sauver du désastre un pays englué depuis six mois dans une crise politique aiguë emmaillée de violences qui ont fait 200 morts. Cette appréciation pour le moins pessimiste est partagée par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, pointant le syndrome du « passé sanglant ». Face à « la montée constante de la violence », le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira demain, à la demande de la France, pour examiner la situation au Burundi où, selon Paris, « les discours de haine » menacent d'enflammer le pays. La réunion doit se tenir avec des représentants du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'Union africaine, selon le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal. Après avoir adopté, fin octobre, une déclaration unanime, condamnant les violences au Burundi et soutenant la décision de l'Union africaine de lancer une enquête sur la violation des droits de l'homme, le Conseil de sécurité prend le relais de l'alerte au génocide lancée par le secrétaire général de l'ONU appelant à la fin « des violences récurrentes et aux tueries », par l'UA, déplorant « toute tentative d'incitation à la violence ou de travail de sape des pourparlers de paix sous médiation régionale » et par les Etats-Unis délégant son émissaire pour l'Afrique des Grands Lacs, Thomas Perriello, au Burundi (du 8 au 11 novembre) pour exhorter toutes les parties au « maximum de retenue » et à la « reprise du dialogue ». Au chevet du Burundi, la communauté internationale se mobilise pour tenter de conjurer le sort d'un nouveau drame interethnique, au moment où Bujumbura se vide de ses habitants redoutant le pire et où la première victime - le cadavre d'un fils du défenseur des droits de l'homme et figure emblématique de la contestation, Pierre-Claver Mbonimpa retrouvé quelques heures après son arrestation par la police - a été enregistré.