La participation d'Algériens dans les rangs de l'armée française durant la Première Guerre mondiale a signé le « début du commencement de la libération de l'Algérie », a estimé mardi dernier à Constantine l'historien français Gibert Meynier. « La participation des Algériens à la grande guerre a puissamment révélé l'Algérie à elle-même, l'a hissée dans l'âge de la maturité et des décisions politiques », a soutenu l'historien au cours d'une conférence intitulée « Les Algériens dans l'armée française de 1914 à 1918 », organisée à l'Institut français de Constantine (IFC). En présence des ambassadeurs de France et d'Allemagne, Bernard Emié et Gotz Lingenthal, le conférencier a également souligné, à propos de leur « arrivée en masse dans l'Hexagone pour travailler dans des usines », que les Algériens s'étaient initiés à la vie ouvrière, au monde de l'usine et à la grève (à) et leur efficacité industrielle et militaire était saluée et reconnue ». Affirmant que le fait de s'être éloignés de leur pays n'a fait que « renforcer leur algérianité », Meynier a évoqué le cas du brigadier Mohamed Mokdoud traduit en 1917 en justice pour avoir acheminé une arme en Algérie et donné consigne à sa mère de bien la préserver. Un fait, a-t-il commenté, « significatif » qui renseignait sur le « nouvel esprit indigène ». Il a précisé que ce « syndrome des tirailleurs libéraux » et cet esprit « d'ouvrier français » que les Algériens ont adopté ont été dénoncés par l'administration française en Algérie qui considérait cette évolution « peu compatible avec le maintien de l'ordre ». A propos de « la grande promesse » faite par la France aux Algériens, celle de pouvoir jouir après la Grande guerre de leur « droit de citoyenneté », l'historien a affirmé que cette promesse « n'a jamais été sérieusement envisagée », soulignant la frustration algérienne au lendemain d'une guerre où la France est sortie vainqueur grâce notamment « aux tirailleurs algériens ». Tout en se demandant si la France « n'a pas manqué une occasion de ‘'reconquérir'' l'Algérie au lendemain de la première Guerre mondiale », Meynier a soutenu que si la France avait respecté son engagement vis-à-vis des Algériens, « l'histoire aurait pu avoir une autre tournure ». Pour cet historien, « s'il y avait eu une démarche pour le droit de citoyenneté des Algériens, même si l'Algérie aurait fini par obtenir son indépendance, une guerre (la guerre de libération nationale, ndlr) aussi lourde et aussi sanglante aurait pu être évitée ». Entre août 1914 et l'année 1918, quelque 176.000 Algériens ont été conscrits dans les rangs de l'armée française. 25.711 d'entre eux sont morts au combat, selon des chiffres présentés par Gilbert Meynier. Au cours de cette rencontre, l'ambassadeur de France à Alger, accompagné du wali de Constantine, Hocine Ouadah et de l'ambassadeur d'Allemagne à Alger ont inauguré à l'IFC, une exposition intitulée « Eclats de vies ».