Comment se présente la situation économique nationale en 2015 ? Les analystes du marché pétrolier prédisaient que les années 2015 et 2016 seraient les plus sévères en matière de recul des cours. Les 10 premiers mois de cette année confirment cette tendance. Sur la période janvier-août, le prix du baril a baissé de 48% par rapport à 2014 et nos revenus tirés de l'exportation des hydrocarbures ont, de facto, enregistré une contraction du même ordre (-44%). Notre pays a vu ses recettes extérieures réduites presque de moitié en quelques mois. C'est dire la brutalité du choc qu'a subie l'économie algérienne en pleine reconstruction après deux décennies de récession économique et de troubles sécuritaires. Malgré cela on tient bon ! Les décisions courageuses et visionnaires du chef de l'Etat font que le gouvernement est, aujourd'hui, en mesure d'affronter cette conjoncture sans être soumis à la contrainte de l'endettement et en disposant d'une marge de manœuvre financière. Ainsi et malgré des baisses importantes, les niveaux des réserves de change et des ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) demeurent corrects. En augmentation en début d'année, l'inflation a pu être maîtrisée et une séquence de décélération est enregistrée depuis le deuxième trimestre pour se situer à 5%. La rationalisation des dépenses et de maîtrise du commerce extérieur a été mise en œuvre. Par rapport à la même période de 2014, on note une baisse de 11,3% des importations ainsi qu'une réduction des dépenses publiques de 5% alors que les ressources ordinaires du budget progressaient de 9,3%. Les crédits à l'économie ont continué de progresser (+22,7% par rapport à 2014) et des niveaux de liquidité appréciables ont été maintenus au niveau des banques avec plus de 730 milliards de dinars. Ceci afin de permettre l'investissement national. Entre 2014 et 2015, la croissance du PIB a été pratiquement identique pour se situer à 3,8%. L'objectif fixé dans le projet de loi de finances pour 2016 étant de 4,6%. C'est difficile, mais on se mobilise tous pour atteindre cette performance. En résumé, je dirai que la situation est dure et que les contraintes sont réelles avec des perspectives d'évolution incertaines. Mais économiquement, l'Algérie encaisse mieux que beaucoup de pays ce choc pétrolier. Toutefois, cette situation ne doit, en aucun cas, justifier le statu quo ou l'attentisme qui nous serait fatal. On doit bouger maintenant et ensemble pour opérer la mue de notre économie vers la création de richesse et d'emploi, car même si les prix des matières premières reviennent à des niveaux élevés dans le futur, ils ne suffiront pas à couvrir le développement socioéconomique futur de notre pays. Quelles sont les perspectives ? L'équation est simple. Depuis son indépendance, l'Algérie a bâti un modèle politique et social auquel elle tient et ne veut, sous aucun prétexte, y renoncer. Les Algériens veulent que leur Etat demeure souverain dans ses décisions et solidaire des plus faibles d'entre eux. Nous refusons de revenir aux années de pénuries ou d'interrompre les projets de développement socioéconomique en cours de réalisation à travers le pays. Il nous faut trouver les moyens de maintenir le niveau de vie des Algériens et leur pouvoir d'achat, et ce, dans un contexte d'amenuisement de nos ressources extérieures. Préserver ce modèle a un coût qui, jusque-là, a été supporté par l'exploitation de nos richesses nationales qui ne pourront plus, à l'avenir, garantir sa pérennité. Il nous faut donc aller chercher la croissance ailleurs, c'est-à-dire dans la sphère économique réelle où l'entreprise, publique ou privée, est la clé de voûte. C'est le modèle de croissance que nous sommes en train de déployer avec une vision claire jusqu'en 2019 et nous sommes en train de réfléchir pour l'élargir à l'horizon 2030. Il ne s'agit pas là d'un choix ou d'une option économique entre tant d'autres. C'est une démarche vitale pour l'avenir de notre pays où nous devons tous réapprendre à redonner son lustre à la valeur travail et à vivre du fruit de notre labeur. Les investissements productifs devront être, dans le futur, réalisés par les opérateurs économiques et non pas par l'Etat qui devra assurer les missions de régulation et de solidarité avec les couches les plus défavorisées de la population. Je rappelle aussi que l'édification de cette économie émergente est un élément central du programme présidentiel que le peuple algérien a approuvé dans sa large majorité et qui a constitué l'unique référence de notre gouvernement lors de l'élaboration du plan d'action soumis à l'approbation de la représentation parlementaire. Chaque ministre, sous la coordination du Premier ministre et l'autorité directe du chef de l'Etat, s'attelle à la mise en œuvre de cette feuille de route dans les limites de ses prérogatives sectorielles, et ce, dans le cadre d'une vision globale et cohérente contrairement à ce qui peut se dire. Par ailleurs, attirer les investissements directs étrangers ou nationaux est une bataille de tous les jours et l'objet d'une compétition féroce entre les pays. Car il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas seuls dans ce monde où seuls les intérêts priment. Il nous faut apprendre à accepter et à attirer ceux qui peuvent participer à notre développement. Les mesures que nous prenons pour encourager la relance économique notamment dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et des TIC sont et seront toujours encadrées par des fondamentaux tels que le droit de préemption, la règle 51/49 ainsi que les engagements sociaux des pouvoirs publics. Je tiens à préciser, à ce titre et afin d'éviter toute polémique ou surenchère, que les réajustements tarifaires prévus pour les produits énergétiques ne toucheront en aucun cas les petits consommateurs ou les habitants des régions Sud. Les efforts d'économies les plus importants seront opérés au niveau des dépenses de fonctionnement et dans la rationalisation de l'exécution du budget de l'Etat. L'unité nationale autour de cette démarche économique de renouveau est indispensable car il est, certes, bien de savoir où l'on va, mais il est important d'y aller ensemble. On attache une importance capitale à la solidarité nationale. Le pessimisme gratuit est destructeur. On continuera à privilégier le dialogue serein et sincère avec tous les Algériens sans exclusion. Le terrorisme continue à frapper et à menacer plusieurs pays. Quelle est votre évaluation ? Il est triste de constater que les évènements tragiques que connaît le monde, ces derniers jours, confirment la pertinence des analyses et des positions algériennes sur nombre de sujets tels que le terrorisme, le recul critique sur ce qu'on a appelé le « Printemps arabe », le danger de la déstructuration des pays ainsi que l'importance de l'intégrité des Etats et de la souveraineté des peuples loin de toute ingérence. Le pouvoir de nuisance des groupes terroristes a considérablement augmenté à la suite des jonctions qu'ils ont opérées avec la criminalité transnationale et les trafics de toutes sortes. Ce sont des criminels et des brigands qui créent et profitent de situations de chaos sécuritaire et humanitaire pour augmenter leur pouvoir et servir leurs intérêts. C'est une erreur très lourde que de les considérer comme les combattants d'une foi ou d'une religion. Penser cela c'est leur rendre service et servir leurs funestes desseins. L'Algérie a toujours appelé à la coordination et à l'entraide internationale dans la lutte contre le terrorisme par l'assèchement de ses sources de financement, notamment en interdisant le paiement de rançons, la lutte implacable contre les trafics d'armes et de drogue ainsi que la traite d'être humains. Il est également crucial d'encourager les processus politiques pacifiques et inclusifs dans les pays arabes et africains pour permettre l'avènement de gouvernements forts et légitimes capables de restaurer l'autorité et l'Etat de droit sur des populations et des territoires jusque-là livrés à ces hordes d'assassins et de trafiquants. En exprimant toute mon empathie avec les victimes du terrorisme dans toutes les régions du monde, j'ai également une pensée très forte envers notre communauté nationale installée à l'étranger dont les membres partagent l'anxiété générale des habitants des pays où ils résident, mais sont confrontés, aussi, à des amalgames infondés et à des manifestations de xénophobie et de racisme inacceptables. Leur pays est à leurs côtés dans cette épreuve et les assure de son soutien total et indéfectible. Les autorités concernées par la sécurité nationale, et particulièrement l'Armée nationale populaire et les services de sécurité, restent totalement mobilisées et engagées pour préserver la sécurité des biens et des personnes sur l'ensemble du territoire national.