Selon le chercheur Baghli Mohamed, trois jours de festivités concernent Yennayer ou jour de l'an du calendrier solaire traditionnel. Il s'agit de Nafqat Al-Qarmous, Nafqat Al-Lham et Ras Al-Am. Pendant ces trois jours, ni bain, ni coiffeur, ni nettoyage à la maison. « Nafqat al-Qarmous » est une tradition qui demeure, de nos jours, ancrée dans les mémoires, et surtout chez les populations amazighs des Beni Snous. Baghli a rappelé que « sur les terrasses des maisons, on étalait des feuilles de plantes à l'air libre. Ce sont quelques touffes de palmier-nain (doum), des rameaux d'olivier (awrâq zeitoun), du romarin (iklîl), des asphodèles (berwaq), des scilles, des lentisques (draou), du caroubier (kharoub) ainsi que de la férule (klakh) et des fenouilles (sanoudj) ». S'y ajoutent la chasse au lièvre ou à la perdrix et la préparation d'un mouton ou d'un bouc pour la journée du lendemain. Cette journée est marquée par la fermeture des moulins et du four banal, laissant place aux femmes pour préparer le sfendj et thrîd ainsi qu'un plateau de fruits secs. En fait, on préparait des petits pains avec un œuf au milieu (guerissa biwladjadj), la levure de Yennayer (khmirat Yennayer), la soupe spéciale. Durant la célébration, les petites filles parent leurs poupées de nouveaux habits, alors que les grands-mères racontent des contes. « Ajouzat Yennayer » était le conte qui faisait la une des légendes. Une fête qui, autrefois, se caractérisait par l'échange de cadeaux entre familles des fiancés, la mise sur le premier sillon de labour de la levure (khmira), fève, figue et grenade, pour que l'an soit prospère et « généreux ». Selon le chercheur Baghli, on ne se lassait pas de répéter ce vœu, à savoir « Allah yadakhlou, alikoum wa allina bil mahanna wa erahma ». Il s'agit ainsi d'un véritable patrimoine à préserver. D'ailleurs, dans ce sillage, le secrétaire général du HCA, Assad Si El Hachemi, a rappelé que « ce patrimoine immatériel doit être transmis et transcris pour pouvoir le valoriser et le rehausser comme référent identitaire. La culture qui sous-tend la vie au quotidien est, quant à elle et y compris ici à Tlemcen, totalement imprégnée de la tradition et de l'imaginaire amazighs ». Par ailleurs, même si les frais de cette tradition ne sont pas moindres, les familles algériennes célèbrent tout de même Yennayer qui marque leur nouvel an, et avec les recettes les plus simples. Pour cette année, la direction de la culture de Tlemcen prévoit de nombreuses festivités au palais de la culture Abdelkrim-Dali de Imama et dans la région des Beni Snous. Le carnaval de Yennayer (ayrad) ne sera pas en reste. Ce pan du terroir sera au rendez-vous, les 11 et 12 janvier, en présence des cadres du HCA. Ce carnaval, selon Mme Abdennebi Houria de l'université de Tizi Ouzou, est une forme d'expression carnavalesque et de subversion qui sont deux modes d'expression orale spécifiques aux sociétés maghrébines. Selon elle, le scénario de cette danse est composé de « déguisements divers, dons de nourriture, couplets et refrains grivois avec des dénominations diverses de la cérémonie selon le nom donné au personnage central Ayred ». Ces actions carnavalesques accompagnent certains rites agraires comme les jeux de balle qui représentent des rituels de fécondité, des rites de passage relatifs au métier à tisser, à l'appropriation de l'espace. « Comme la mascarade dans les sociétés maghrébines était menée par un nombre défini d'acteurs, ces derniers se déguisaient, imitaient des animaux, enfreignaient les règles de bienséance. On se rassasiait pour exorciser la faim pour toute l'année. Le carnaval, dans ces communautés à tradition orale, était un moyen d'investissement par l'homme de l'espace public. C'est en ce sens qu'il est libération de la parole. Dialogisme, polyphonie et présence de doubles interviennent et annoncent l'avènement du théâtre », explique-t-elle.