Angela Merkel se voit contrainte de restreindre, un peu plus, sa politique d'ouverture à l'égard des réfugiés face à l'émoi provoqué en Allemagne par les agressions du Nouvel An à Cologne. « Tout a changé, les gens doutent », a résumé, ce week-end, un responsable du parti conservateur CDU de la chancelière. L'opinion doute des choix de celle-ci car même si rien ne prouve encore la responsabilité des réfugiés, la police de Cologne a révélé, samedi dernier, que les suspects des violences contre des femmes lors de la soirée de la Saint-Sylvestre étaient « en grande partie » des réfugiés et immigrants illégaux. Alors qu'elle avait réussi, lors d'un congrès annuel en décembre 2015, à pacifier son parti, en ébullition depuis des mois à cause de la stratégie suivie, Angela Merkel doit désormais donner des gages aux partisans de la fermeté. Elle a déjà annoncé ce week-end un durcissement à venir du régime d'expulsion des demandeurs d'asile ou réfugiés condamnés, même lorsqu'il s'agit de sursis, et parlé d'un « devoir d'intégration » pour les immigrés. Le ministre de l'Intérieur veut renforcer la présence policière dans la rue et accroître la vidéosurveillance. Même parmi les sociaux-démocrates, partenaires principaux au sein de la coalition gouvernementale, certains responsables rivalisent de propositions visant à durcir l'arsenal législatif. « Il n'est pas prématuré de parler d'un tournant, ou à tout le moins, du renforcement d'une tendance qui s'est dessinée depuis un moment déjà », selon Andreas Rödder, professeur à l'Université de Mayence. Le gouvernement allemand, s'il refuse toujours de fermer les frontières ou de limiter arbitrairement le nombre de migrants autorisés à entrer, a multiplié ces dernières semaines par petites touches les coups de canif dans le droit d'asile national. Il s'agit de le rendre moins attrayant aux yeux des candidats en provenance du Moyen-Orient, d'Afghanistan, et d'en écarter les ressortissants des pays dits sûrs. Après les Balkans occidentaux fin 2015, l'Algérie et le Maroc pourraient bientôt suivre. Le slogan « obamien » de la chancelière sur les réfugiés — « Wir schaffen das ! » (« Nous y arriverons ! ») — a fait place depuis Cologne à des déclarations plus prosaïques. « Après la période des bras ouverts, le temps est peut-être venu du changement de cap. A présent, il est question d'expulsion, de durcissement de la loi », a estimé un politologue à l'Université de Bonn. « La situation pour Angela Merkel est d'autant plus délicate que les migrants continuent d'arriver en nombre — entre 3.000 et 4.000 par jour malgré l'hiver après 1,1 million en 2015 — et que la solution internationale qu'elle préconise pour réduire leur nombre a toutes les peines à se concrétiser.