La manifestation de Pegida, qui devait rassembler un millier de personnes selon la police et en face de laquelle des contre-rassemblements de gauche ont eu lieu, illustre la dimension très politique qu'ont rapidement pris les agressions, commises en groupes, par des migrants, selon les courants de l'extrême droite soucieux de contrecarrer la stratégie d'Angela Merkel. Théâtre au Nouvel An d'une vague d'agressions qui impliquerait des réfugiés, Cologne a vu défiler hier une manifestation du mouvement islamophobe Pegida, alors que le gouvernement d'Angela Merkel pourrait durcir son attitude à l'égard des demandeurs d'asile. Bien loin de leur fief de Dresde (est), les «Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident» ont appelé à un rassemblement à partir de 14h00 locales devant la gare de la cité rhénane, sous le mot d'ordre «Pegida protège». C'est à ce même endroit que des vols et violences sexuelles ont eu lieu le soir de la Saint-Sylvestre, faisant déjà l'objet d'environ 200 plaintes selon le Spiegel, dont deux pour viol caractérisé. Le fondateur de ce mouvement d'extrême droite créé à l'automne 2014, Lutz Bachmann, posait tout sourire cette semaine sur son compte Twitter, affublé d'un tee-shirt proclamant «Rapefugees not welcome», détournant le message de bienvenue aux migrants pour les accuser d'être des violeurs. La manifestation de Pegida, qui pourrait rassembler un millier de personnes selon la police et en face de laquelle des contre-rassemblements de gauche sont prévus, illustre la dimension très politique qu'ont rapidement pris dans le pays ces agressions commises en groupes. Le manque d'informations claires sur l'enquête et l'inaction des forces de l'ordre le soir du Nouvel An ont contribué vendredi au limogeage du chef de la police de Cologne Wolfgang Albers. La police fédérale a identifié 32 suspects, dont 22 demandeurs d'asile, et a relevé 76 infractions dont 12 à caractère sexuel, parmi lesquelles 7 agressions physiques, a indiqué vendredi soir le ministère de l'Intérieur, actualisant de précédents chiffres. La police de Cologne, dont une centaine d'enquêteurs est mobilisée pour exploiter notamment 350 heures de vidéo, a fait état de son côté de 16 suspects, sans plus de précision. Un porte-parole a seulement indiqué que, «dans certains cas», la trace des téléphones portables dérobés le soir du Nouvel An conduisait «vers des centres d'accueil de demandeurs d'asile ou à leur proximité immédiate». Au-delà des insuffisances de la police, les agressions de Cologne ont rapidement entraîné un durcissement de ton à l'égard de la politique d'accueil des réfugiés en Allemagne, jusqu'à présent très ouverte. Le pays a vu affluer en 2015 1,1 million de demandeurs d'asile. Pour le journal conservateur Die Welt de samedi, le 6 janvier, jour où ont été dévoilées les violences de la Saint-Sylvestre, «marque le début du tournant de la politique d'immigration», soulignant «les avantages et les dangers d'une immigration de masse surtout de pays musulmans». Au sein même du parti conservateur CDU de la chancelière Angela Merkel le mécontentement monte. «Cologne a tout changé, les gens doutent», a lancé Volker Bouffier, vice-président du mouvement lors d'une réunion vendredi soir à Mayence (sud-ouest). Le ton de Mme Merkel elle-même, jusqu'à présent surtout connue pour sa formule d'accueil «Wir schaffen das» («Nous y arriverons»), s'est durci de jour en jour cette semaine. Vendredi elle a jugé qu'il y avait «encore beaucoup trop» de réfugiés qui continuaient à arriver dans le pays. Elle a aussi voulu envoyer un message de fermeté en se montrant favorable à des procédures d'expulsion facilitées pour les demandeurs d'asile délinquants. La loi allemande impose actuellement une condamnation d'au moins trois ans de prison pour permettre l'expulsion d'un demandeur d'asile pendant l'examen de son dossier, à la condition que sa vie ou sa santé ne soient pas menacées dans son pays d'origine.»Je dois dire que, pour moi, il faut perdre plus tôt» (que ce qui est prévu aujourd'hui) son droit de séjour, a déclaré Mme Merkel vendredi à Mayence. Son parti CDU devrait se prononcer samedi en faveur d'une perte du droit d'asile même dans des cas de condamnation avec sursis. Une forme de surenchère s'est même engagée au sein de la coalition gouvernementale sur le sujet, le vice-chancelier social-démocrate Sigmar Gabriel suggérant lui de renvoyer les réfugiés condamnés dans leurs pays pour qu'ils y purgent leurs peines.