L'évocation des Rouiched, Hilmi, Hadj Menouar Bendebagh, Cheikh Namous, natifs ou ayant vécu dans le vieux quartier, a donné lieu à des retrouvailles pour ressusciter leurs vies ou leurs parcours. D'autres comme Hadj Omar, son frère Missoum, Bachetarzi ou Bachir Hadj Ali restent méconnus. La vieille citadelle pourvoyeuse de talents et d'une inguérissable et douloureuse nostalgie renferme aussi des lieux dont beaucoup gardent l'empreinte d'une époque, d'un événement. Ils sont des concentrés d'histoire fastueuse ou tragique. Ils étaient assez nombreux, samedi dernier, à venir assister à une exposition de photos* sur l'école Brahim Fatah. Tel essaye de se reconnaître et de retrouver son visage d'enfant au milieu d'élèves sagement assis devant leur professeur. Tel autre est à la recherche d'un camarade de classe ou d'un parent. On ne voit pas de filles car l'école était exclusivement destinée aux garçons. Au fil des années, le costume traditionnel, tenue de rigueur, s'efface et les enfants revêtent des chemises et des pantalons. Hacène Smala fut élève dans ce Mcid de 1947 à 1954. Il a réuni, au grand bonheur et à l'intense émotion des présents, de vieilles photos. L'école fut ouverte, dit-on, vers 1888. Comptant d'abord 20 élèves, elle en enregistre 70 l'année suivante. Son premier directeur français, qui fut par ailleur un enseignant de Fatah, proposa ce dernier pour lui succéder. On le voit en costume traditionnel aux côtés d'une figure connue à cette époque, Bencheneb, dont une école à l'ex-rue Marengo porte le nom. Né en 1850 à Tixeraïne, Brahim Fatah, d'origine marocaine, est décédé en 1923. Il a été avec deux autres Algériens un des premiers normaliens à l'Ecole d'instituteurs de Bouzaréah (Enib promotion 1866-1869) et un fervent éducateur. Une école d'indigènes L'école, d'abord Verdun du nom du boulevard longeant les murailles de la Haute-Casbah où elle fut implantée, elle portera le nom de celui qui était aussi un musicien. L'école était destinée aux seuls indigènes qui allaient poursuivre leurs études aux cours complémentaires de l'école Sarrouy ou ailleurs, pour une minorité. C'est là qu'a commencé la scolarité d'hommes qui seront des célébrités à l'instar du peintre Mohamed Temmam, de l'ex-ministre de la Justice Amar Bentoumi, de Rouiched et de son demi-frère Hadj M'rizek, de la figure de proue du chaâbi El Hadj M'hamed El Anka... La Medina regorge de ces lieux de savoir comme l'école libre Echabiba où Mostefa Lacheraf côtoya Abderrahmane Aziz ou Abdelhamid Ababsa. Dans son ouvrage « Des noms et des lieux » (Casbah 1998), Lacheraf évoque aussi avec beaucoup de précision la Thaâlibiya où il fit ses études. Toute cette histoire a besoin d'être dépoussiérée. L'exposition, qui devait être organisée en 2008, n'étaient des lourdeurs bureaucratiques, est en soi modeste. Elle se limite aux photos en noir et blanc et la projection de diapositives. Elle pourrait s'accompagner de livres, de notices explicatives, de conférences sur ce que fut l'enseignement colonial en Algérie avec sa vision et ses visées. Au cœur d'enjeux de civilisation et de pouvoir, ils furent déjà étudiés dans beaucoup de livres dont l'un des plus connus reste celui d'Yvonne Turin portant justement sur les affrontements culturels dont l'école était un des terrains d'affrontement. *Du 23 au 28 janvier au Musée des arts et traditions populaires à La Casbah