Un colloque international a été consacré, du 3 au 5 mai, à Alger, à l'histoire de l'Ecole normale de Bouzaréah (ENIB) depuis sa création en 1865 à nos jours (ENS). L'histoire du colonialisme s'invite de fait. L'image de Mouloud Feraoun aussi. Aïssa Kadri, sociologue et directeur de l'Institut Maghreb-Europe, a souligné, lors d'un entretien téléphonique, que les instituteurs algériens avaient tenté au début de garder leur distance du combat politique. Cependant, continue-t-il, l'évolution du contexte politique avait amené plusieurs normaliens à s'impliquer dans des organisations syndicales, des ligues des droits de l'homme ou carrément dans des partis politiques. Des instituteurs à la compétence avérée sont passés par cette école : Mekidèche, Djebarri, Belhocine, Rehal (actuel conseiller à la présidence) et tant d'autres. M. Kadri tient, également, à évoquer avec émotion l'engagement de certains instituteurs français en faveur de l'indépendance de l'Algérie, dont l'histoire retiendra des noms qui étaient députés à la première Assemblée nationale. Les travaux du colloque, hier, ont été marqués par l'intervention de Messaoud Taïbi, instituteur à l'ENS, qui a brossé la personnalité de l'enseignant algérien et sa résistance contre les visées assimilationnistes de l'administration coloniale. Pour illustrer les disparités de l'époque, il indique que l'effectif des Français à l'école primaire était 8 fois plus que celui des Algériens, de même qu'au lycée, les Français étaient 35 fois plus que les Algériens, alors que dans les universités, la disparité était de 192 fois. « L'enseignant indigène n'était pas libre. L'enseignement français était idéologique et visait l'assimilation », a conclu M. Taïbi. Dalila Morsly, docteur d'Etat en linguistique, a tenté, pour sa part, d'explorer trois textes rédigés par des normaliens durant les années 1930 : Pierre Claudé, Mekidèche Abdelkader et Djebarri Mohamed Benamar. Elle fait ressortir un aspect commun : les trois auteurs disent la diversité communautaire qu'ils découvrent au sein de l'école et de la société. Ahmed Gouati de l'université d'Auvergne a analysé la situation des instituteurs de l'ENIB. Pour lui, la question de la colonisation ne se posait pas aux indigènes avant 1945. Il relève que les instituteurs de l'ENIB avaient « échoué » dans leur mission de médiation entre l'administration coloniale et la population algérienne, dès lors que la situation était arrivée à un point de non retour. A noter la publication d'un ouvrage intitulé Impressions d'Algérie, notes de voyage de normaliens des années 30, textes réunis par Saïd Benzerga, reconstitués à l'aide des archives retrouvées à l'ENIB.