Les anciens se souviennent de l?Ecole normale de Bouzaréah (Enib), ce temple mythique de la formation d?instituteurs. De la fin du XIXe siècle au début des années 1970, l?Enib a formé des générations de brillants pédagogues. Mouloud Feraoun restera l?un de ses pensionnaires les plus célèbres. Qu?est-ce qu?une école normale ? C?est le lieu où les aspirants au métier d?enseignant sont formés. Les écoles normales doivent leur renommée à plusieurs paramètres respectés scrupuleusement. Ceux de la réussite garantie. D?abord, des modalités de recrutement très sélectives : il fallait aimer ce métier. Pour tester l?adhésion (le penchant du postulant), on l?obligeait à signer un contrat de dix ans. Plus long que celui exigé des militaires. Dure épreuve-test. Ensuite, il était exigé du candidat, âgé de 16 ans, d?être parmi les meilleurs élèves du collège admis au lycée et ce, avant même de présenter le concours d?entrée à l?échelon départemental. Un concours basé sur le classement et les notes obtenues à l?examen du brevet élémentaire. Un véritable parcours d?obstacles très difficile à franchir. Les heureux élus figuraient parmi l?élite scolaire. Tout cela, avant d?entamer une formation de quatre ans sanctionnée par un diplôme. Une formation placée sous le signe de la discipline, du sérieux et de l?assiduité. L?élève-maître était mis en demeure de porter la casquette d?éducateur pendant sa formation et de ne pas se laisser aller au dilettantisme. Les exclusions définitives étaient monnaie courante, sélection oblige. L?administration ne tolérait aucun écart. Les normaliens se distinguaient de leurs camarades du lycée par la tenue stricte et sérieuse qu?ils arboraient les jours de sortie. En plus d?une bourse, on leur payait un costume sombre, une chemise blanche, une cravate et des souliers noirs. La coupe de cheveux était aussi de mise. Sur le plan des études, le normalien suivait les mêmes disciplines scolaires que ses camarades lycéens. A la différence, il s?ouvrait sur la pédagogie (théorie et pratique), la psychologie et la législation. Le diplôme en poche, l?élève-maître prenait son envol dans la carrière avec comme viatique une solide formation et un amour sans faille pour son métier. On disait de l?instituteur qu?il exerçait un sacerdoce. Que reste-t-il de cette rigueur dans le recrutement et dans la gestion de la formation top niveau, faut-il le souligner ? Rien. Le statut de ces écoles normales a été foulé aux pieds en 1970, remplacé par celui des Instituts de technologie de l?éducation (ITE). Tous les Algériens savent ce qu?il en a coûté au pays.