En Afrique, mobilisée pour la réussite d'une transition pacifique, comme elle l'a toujours revendiquée, et en Europe, réticente à rééditer le scénario de l'intervention militaire jugée aléatoire aussi bien en Libye que dans la région du Moyen-Orient (Irak, Syrie) de toutes les dérives, la sonnette d'alarme a été tirée sur la montée en puissance de Daech, alimentée par le projet de déstabilisation de grande envergure du monde arabe. A Rome, abritant mardi dernier la réunion de la coalition internationale, la menace de Daech, déclinante en Syrie et en Irak (19.000 à 25.000, contre 20.000 à 30.000 membres), est devenue plus forte dans le nouveau sanctuaire libyen qui connaît un afflux massif de combattants. A quelques jours de la rencontre des ministres de la Défense de la coalition, prévue à Bruxelles, des responsables américains ont révélé, jeudi dernier, le doublement des effectifs de l'internationale terroriste désormais de l'ordre de 5.000 combattants (contre 2.000 à 3.000 auparavant). « Il devient de plus en plus dur de se rendre en Syrie pour les combattants étrangers, et beaucoup d'entre eux se dirigent en conséquence vers la Libye », a souligné un responsable américain de la Défense. La progression, qui peut « aller très vite, très fort », suscite la vigilance de tous les instants pour prévenir le péril redouté. « La dernière chose que nous voulons dans le monde, c'est un faux califat ayant accès à des milliards de dollars de revenus en pétrole », a souligné le secrétaire d'Etat américain John Kerry, à l'issue de la réunion de Rome. Le syndrome syrien et irakien a inévitablement servi à la prise de conscience internationale sur la ligne rouge du recours à l'intervention militaire. « Il n'est absolument pas question que nous intervenions militairement en Libye », a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, rejetant « toute autre perspective » que le gouvernement d'union. La messe occidentale est vraiment dite. ` Le feu vert est unanimement accordé au Conseil présidentiel (9 membres) dirigé par le Premier ministre désigné, Fayez el-Sarraj, invité à s'activer davantage pour franchir, dans un délai prenant effet le 10 février prochain, selon son conseiller, Fathi Ben Issa, l'écueil de la composante, notamment après le rejet du 1er cabinet de 32 membres par le Parlement de Tobrouk réclamant une équipe plus restreinte. La formation d'un gouvernement, approuvé par le Parlement et siégeant à Tripoli, est la condition sine qua non du soutien de la communauté internationale prête, sur la base du respect de la légalité et la souveraineté libyenne, à soutenir le combat contre Daech. Au cours de la réunion des ministres de la Défense, tenue hier matin à Amsterdam, en présence du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, et des 28 ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, l'urgence d'un gouvernement libyen a été renouvelée. « Ceci souligne (la nécessité) de pleinement soutenir les efforts pour trouver une solution politique, obtenir un cessez-le-feu et avoir un accord sur un gouvernement d'unité en Libye, car cela sera également un premier pas important pour pouvoir combattre Daech », a réaffirmé le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. Des eurodéputés, adoptant majoritairement (par 478 voix contre 81 et 81 abstentions) une résolution, ont de leur côté lancé, jeudi, un appel à « une aide humanitaire, financière et politique ». Tout en délivrant un satisfecit sur l'accord politique du 17 décembre 2015, le Parlement européen a exprimé son soutien au « gouvernement unique d'entente nationale nouvellement créé et les institutions nationales qui doivent guider la Libye à travers sa transition post-révolution et la remettre sur la voie de la construction d'un pays démocratique, paisible, stable et prospère ». Inéluctablement, il appartient aux Libyens de prendre leur responsabilité historique pour décider de leur destin.