Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, a reçu, en décembre, le Prix Louis-Delluc (remis par des critiques et des personnalités). Il raconte l'histoire de Fatima, 44 ans, qui vit seule en France avec ses deux filles, Souad, une adolescente de 15 ans révoltée, et Nesrine, 18 ans, qui débute des études de médecine. Maîtrisant mal le français, cette immigrée algérienne a du mal à communiquer avec ses filles et avec l'extérieur, dans une société dont elle ne connaît pas les codes. Pour payer les études de l'aînée, Fatima (Soria Zeroual) enchaîne les ménages. Mais un jour, elle fait une chute dans un escalier. N'arrivant plus à travailler, elle se met alors à écrire en arabe tout ce qu'elle n'a pas réussi à dire jusque-là. Adaptation des livres autobiographiques « Prière à la lune » (2006) et « Enfin, je peux marcher seule » (2011) de la Marocaine Fatima Elayoubi, le film de Philippe Faucon raconte, dans un style épuré et sans pathos, la vie de ces femmes qui restent souvent des invisibles. « Ce qui m'intéressait, c'était de montrer ces femmes qui n'ont pas beaucoup de place sur les écrans, qu'on ne voit pas très souvent, et de raconter cette espèce d'entêtement, d'obstination, ce quotidien qui est le leur », avait expliqué le réalisateur lors du dernier Festival de Cannes. « Ce sont des situations qui m'intéressent parce qu'elles me renvoient à ma propre histoire familiale », ajoutait le cinéaste né au Maroc qui expliquait : « J'ai eu des grands-parents qui ne parlaient pas le français, une mère qui ne parlait pas le français dans son enfance », a-t-il précisé. « Vie de rien » En suivant au plus près les petits moments du quotidien de Fatima, de ménages à l'aube en cours d'alphabétisation, de travaux domestiques en nouvelles heures de ménage, le réalisateur construit un film d'une grande justesse. Pour lui, « c'est un peu l'histoire de l'accomplissement d'une personnalité (...), avec des moyens très farouches, d'une façon très obstinée, et dans un jeu de miroir avec ses deux filles ». Si le film dresse le portrait de Fatima, il parle aussi d'une autre génération, celle de ses filles : Nesrine (Zita Hanrot, meilleure espoir féminin), au français châtié, dont sa mère espère qu'elle pourra réussir par les études, et Souad (Kenza Noah Aïche), dont le parler de banlieue paraît tout aussi étranger à Fatima. « J'en ai marre de cette vie de rien », lance Souad, dont la violence reflète celle subie par Fatima. « Je préfère voler que de nettoyer la merde des autres comme toi ». « Sois fière des Fatima », lui répond indirectement sa mère, à travers les mots qu'elle couche sur le papier, et grâce auxquels elle retrouve sa dignité.