Au nom de la liberté d'expression qu'il porte en étendard, le romancier algérien d'expression française, Farid Benyoucef, tient à donner son avis sur la polémique suscitée par l'écrivain controversé Kamel Daoud à qui il apporte un soutien prudent. Invité dans le cadre des rencontres littéraires organisées par une grande passionnée, Samia Ziriat, au cercle Frantz-Fanon de l'Office Riadh El Feth à Alger, il dira que l'auteur de « Meursault, contre-enquête » a le droit d'agiter les idées d'autant plus, soutient-il, qu'« il le fait en Algérie, parmi les siens ». Tout en faisant la distinction entre Daoud le polémiste et l'écrivain, il estime que le choix de la thématique « camusienne » a été concluant en présidant au succès du roman. « Kamel Daoud a le mérite de faire revivre Camus notamment en poussant les jeunes générations à s'intéresser à l'auteur de l'Etranger », déclare-t-il en affichant néanmoins son désaccord avec les sorties médiatiques du chroniqueur du Quotidien d'Oran notamment sur les évènements de Cologne en Allemagne. Au sujet de la notoriété outre-Méditerranée ou la reconnaissance de l'« Etranger » quêtée par un certain nombre de femmes et d'hommes de lettres, Farid Benyoucef juge légitime toute aspiration allant dans ce sens. Il désapprouve les critiques visant quelques auteurs, tels que Yasmina Khadra, Boualem Sensal, Anouar Benmalek... Pour lui, les écrivains francophones sont dans leur droit absolu de chercher le lectorat là où il se trouve, que se soit en France, au Québec, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et dans tous les pays où on parle le français. « Je ne comprends pas pourquoi on s'en prend à ces romanciers alors que la grand écrivain d'expression arabe Ahlam Mosteghanemi revendique des millions de lecteurs dans le monde arabe », s'interroge l'auteur du « Sanglot du chardonneret », une série de nouvelles, récemment parues aux éditions Casbah. Contrairement à certains écrivains francophones qui se sentent « otages » de la langue de Molière (Malek Haddad, Kateb Yacine...), Farid Benyoucef assume et revendique le français comme étant une « langue d'écriture ». « Je suis incapable d'exprimer ma littérature dans une autre langue », reconnaît-il en vantant les prouesses de certains auteurs bilingues, entre autres Rachid Boudjedra et Amine Zaoui. Interrogé sur ce que les critiques appellent la « littérature d'urgence » née chez nous dans la foulée de la décennie noire, Farid Benyoucef dit tout le bien qu'il pense de cette façon d'écrire. Il s'agit, insiste-t-il, d'un courant qui se veut comme un témoignage cru des évènements qui ont secoué le pays durant la guerre de Libération nationale ou lors de la période du terrorisme. La littérature d'urgence est à ses yeux « un puits inépuisable de sujets que même 40 millions d'écrivains ne sauraient épuiser ». Dans un autre registre, l'écrivain regrette le recul du lectorat en Algérie et déplore le peu d'intérêt accordé à la promotion du livre en général et de littérature en particulier. Il reproche aux médias (télé, radio et presse écrite) de ne pas trop s'impliquer dans la mise en valeur de la scène littéraire.