La crise politique s'enlise. Elle se traduit dangereusement par la défiance de l'influent chef chiite, Moktada Sadr, campant à Baghdad et lançant au Premier ministre, Haider Al Abadi, un ultimatum de 45 jours qui a expiré mardi dernier pour proposer un plan de réformes. A son tour, le Parlement a donné jusqu'à aujourd'hui au Premier ministre irakien pour présenter un nouveau gouvernement composé de technocrates et non plus basé sur des accords communautaires ou clientélistes. Quelque 170 députés sur les 245 présents se sont prononcés en faveur du changement gouvernemental. « Si Abadi n'arrive pas à présenter un nouveau gouvernement, il devra s'en expliquer samedi au Parlement », a déclaré Haidar Al Mutlaq, député de la coalition Etat de droit formée par l'ex-Premier ministre, Nouri Al Maliki. L'exigence de réformes, revendiquées depuis un an par un mouvement de protestation populaire, signifie la fin de la gouvernance à dominante partisane et le système de partage du pouvoir entre les principales composantes ethniques et religieuses. La mue technocratique correspond au programme du Premier ministre Al Abadi qui est à l'origine de cette proposition en adéquation avec la lutte contre la corruption et les attentes en matière de relance économique et des énormes besoins sociaux. Cette démarche, qui a cédé le pas à la volonté de conjurer le péril de la guerre civile, dramatiquement vécu en 2005-2006, et d'enraciner la dynamique de paix civile, s'impose désormais en réalité incontournable. La contestation chiite dirigée contre un gouvernement chiite campe aux portes de la zone verte investie depuis 13 jours par les partisans de Moktada Sadr. Il est tout à fait significatif que le parti chiite, qui compte 2 ministres, se présente en étendard du changement technocratique, en menaçant dès la fin février, de prendre d'assaut la zone verte. La fracture chiite est donc indéniable et tend à compromettre les avancées démocratiques qui ont rendu possibles des élections législatives jugées crédibles, la mise en place des institutions élues et la nouvelle Constitution. Face au mouvement insurrectionnel, le Premier ministre Al Abadi a évoqué les raisons sécuritaires et demandé à Moktada Sadr de mettre fin au sit-in pour « réduire la pression sur les forces armées ». Des forces mobilisées dans la lutte contre Daech ont en effet dû être temporairement retirées du front afin de renforcer la sécurité à Baghdad, selon des militaires irakiens. De la débâcle de Mossoul qui a emporté, il y a 2 ans, son successeur, Al Maliki, accusé de tous les maux, à la nouvelle bataille de reconquête de Mossoul, l'Irak en crise de gouvernance vit la dure épreuve de la consolidation du front interne pour vaincre la menace de Daech chassé de Palmyre, en reflux dans l'antre syrien de Raqa et assiégé dans ce qui est considéré comme la capitale irakienne du califat en décomposition avancée.