Malgré une campagne houleuse, le processus électoral s'est déroulé dans le calme. Aucun incident n'avait été signalé en milieu de matinée. « Le grand jour est arrivé. Le Tchad doit sortir grandi de ces élections », a martelé le président Déby Itno, peu après son vote accompli dans un bureau de Ndjamena, tout en appelant la classe politique à accepter les résultats des urnes de ce premier tour attendus dans 15 jours. Les gages de bonne volonté et, surtout, de transparence résident dans la mise en place, pour la première fois, d'un système électoral basé sur la biométrie. Il doit assurer, selon la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), la crédibilité du scrutin et combattre la fraude. Le défi de la stabilité pèse également dans une élection marquée par la recrudescence de la contestation sociale et politique. Depuis le 22 mars dernier, un mouvement de grève paralyse les administrations publiques, les tribunaux et les hôpitaux. De son côté, la société civile, qui s'est retirée de la Ceni, est formellement interdite, depuis plusieurs semaines, de manifester pour revendiquer une alternance démocratique. Une interdiction bravée par des leaders de la société civile (Mahamat Nour Ahmat Ibedou, Nadjo Kaina Palmer, Younous Mahadjir et Céline Narmad), purgeant la peine de 6 mois de prison ferme requise par le procureur général, en attendant la tenue de leur procès prévu le 14 avril prochain. Le symbole d'un régime fort Dans ce scrutin de toutes les tensions, l'issue est certaine pour le grand favori qui a affiché sa volonté de remporter l'élection d'« un premier tour KO ». La victoire promise pour le président sortant est placée sous le signe de « l'émergence du Tchad » classé par l'ONU parmi les cinq plus pauvres pays au monde et dont la moitié de la population survit en dessous du seuil de pauvreté. Elle est particulièrement favorisée par la « stratégie d'émiettement » qualifiant une opposition représentée par 12 candidats, originaires la plupart du sud, parmi eux l'ancien Premier ministre Djimrangar Dadnadji, d'anciens ministres en rupture de ban avec Idriss Déby, des députés et des maires contestataires. Son principal rival, Salem Kebzabo, candidat de l'Union nationale pour le développement et le renouveau (Unir), veut « promouvoir l'unité nationale et l'éducation », lorsque Dadnadji dénonce la « patrimonialité du pouvoir » en allusion à la présence hégémonique de l'ethnie des Zaghawas dans l'entourage du président et dans l'armée dont elle assure l'essentiel du commandement. Face à la menace grandissante de Boko Haram qui a frappé par deux fois à N'Djamena en 2015, Idriss Déby incarne précisément un « régime fort » pour traquer le terrorisme qu'il a combattu sans relâche, au nord du Mali (2013) et en Centrafrique (2014), avant de déclencher une vaste offensive au Cameroun, au Nigeria et au Niger. A l'heure de la mobilisation internationale contre Daech et ses démembrements locaux, son engagement résolu lui a valu un soutien sans équivoque de la communauté internationale, contesté seulement par le chef de file de l'opposition, Saleh Kebzabo, demandant « instamment aux partenaires économiques du Tchad, en particulier la France, d'être de plus en plus exigeants sur la gouvernance économique, le respect des droits humains » face à un « régime qui a acculé la population à une paupérisation croissante et excelle dans la gestion patrimoniale de l'Etat ». La messe est-elle dite ?