C'était lors d'une garde au pavillon des urgences de cardiologie, nous avons reçu une malade qui n'était pas comme les autres. Une vieille dame qui devait avoir 70 ans environ, vêtue d'une djellaba et portant un foulard. Elle ressemblait aux grand-mères des villages situés dans les montagnes, tatouée sur le front et le menton, accompagnée d'un groupe de gens qu'on croyait ses enfants. Le médecin lui demanda le motif de sa consultation. Elle répondit qu'elle avait fait un malaise et qu'elle avait perdu connaissance pendant quelques instants. Alors on l'allongea sur la table d'examen, et le médecin lui posa des questions en même temps qu'il l'examinait et ordonna à l'infirmier de lui faire un électrocardiogramme (ECG) pour voir ce qu'il en est. Tout cela a été fait et le médecin a commencé l'interprétation de l'ECG à la recherche d'une anomalie pouvant expliquer cette perte de connaissance. La vieille dame disait alors, je leur avais dit de ne pas me ramener ici, je n'ai rien à faire ici. Le médecin ne peut rien contre ce qui m'arrive. Le médecin lui demanda pourquoi disait-elle cela. Surpris de la réponse de celle-ci qui fut : «mon travail est d'éloigner le mauvais œil, de réunir les êtres qui s'aiment, de prévenir les malheurs… Et il y a un djinn qui m'en veut et qui a juré qu'il ferait en sorte que mon cœur cesse de battre ». On ne savait plus quoi en penser, et on s'est dit qu'elle devait délirer car sa pathologie était bien évidente pour nous, elle souffrait d'un bloc auriculo-ventriculaire très fréquent à cet âge là. L'influx nerveux qui permet les contractions du cœur prend naissance au niveau des oreillettes pour atteindre les ventricules. Dans cette pathologie, il y a justement un bloc, ce qui réduit considérablement la fréquence cardiaque et pourrait expliquer la perte de connaissance. Et la solution est justement la mise en place d'un pace maker pour stimuler le cœur (la pile). Mais cette patiente ne voulait rien savoir, elle était persuadée que sa maladie était l'œuvre d'un djinn. Et les gens qui l'avaient accompagné et qui travaillaient avec elle, étaient du même avis. Étrange situation ! On ne savait pas vraiment quoi faire. On a essayé de convaincre la malade, on l'a hospitalisé et on l'a mis sous traitement en attendant de faire la commande d'un pace maker. Et durant son séjour, des personnes toutes aussi étranges venaient souvent pour faire des pratiques qui selon elles allaient faire partir ce djinn maléfique. La patiente avait enfin bénéficié d'un pace maker qui lui avait permis de reprendre une vie normale. Mais elle était toujours convaincue que c'était ses collègues et pas le pace maker qui l'avait sauvé ! L.B.