Prise en étau entre des milices avides de leadership et Daech rêvant d'un nouveau sanctuaire pour pallier le désastre syrien annoncé, Tripoli est tenu de réussir un sursaut salvateur dûment inscrit dans l'avènement du gouvernement d'union nationale, dirigé par le président du Conseil présidentiel Fayez al-Sarraj et assuré d'une légitimité nationale et internationale incontestable. Ce sont les deux principaux défis qui animent la rencontre de Vienne regroupant, depuis hier, les ministres des Affaires étrangères européens, des Etats-Unis et des pays voisins. Sous la présidence du chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni, et le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, le sommet des « principaux acteurs » est placé sous le sceau de la stabilité tributaire de la volonté des Libyens d'en finir avec les divisions marginales pour présenter un front commun contre la progression de Daech, maître de Syrte, et, pour la première fois depuis la semaine dernière, de la localité charnière d'Abou Grein, à la suite des affrontements avec les forces du gouvernement national. La menace se précise. Elle met en jeu la sécurité régionale du Maghreb à l'épreuve des attaques sanglantes comme l'a clairement montré l'assaut de la ville tunisienne frontalière de Ben Gardane jusqu'au cœur de l'Europe ébranlé par les attentats de Paris et de Bruxelles. Le défi terroriste rend désormais caduques les fractures libyennes traduites par la persistance des divergences entre le gouvernement légitime de Sarraj et le gouvernement de Tripoli menant séparément une offensive pour déloger Daech de Syrte. La course à la libération de Syrte est « une erreur (...) et nous ne pouvons plus accepter cette division », a affirmé le président de la commission Défense du Sénat italien, Nicola Latorre. La « question sécuritaire » domine donc le sommet de Vienne qui constitue à cet égard une opportunité pour tenter d'unifier les rangs et poser les bases d'une action commune autrement plus efficace. Outre un soutien international plus accru au gouvernement d'union nationale, dicté par la volonté de Washington de procéder à l'assouplissement de l'embargo onusien sur les armes, le retour à la nécessaire réconciliation entre les « frères ennemis » reste « une démarche incontournable pour constituer un front uni dans la bataille commune et névralgique contre Daech. « Il y a un désir très sain des Libyens de se débarrasser eux-mêmes de Daech, et je pense que c'est quelque chose que nous devrions soutenir », a déclaré un haut responsable de l'administration américaine. Mais, la quête d'un compromis est malheureusement prise en otage par une poignée de députés qui bloque le processus de reconnaissance du gouvernement d'union nationale et davantage compromise par le maintien de l'« Armée nationale libyenne » placée sous l'autorité du général Haftar. Que faire ? Face au déni de la légalité internationale, l'arme des sanctions est brandie pour combattre une « attitude d'obstruction ». Des mesures financières ont été prises par l'ONU contre le président du parlement rival de Tobrouk, Aguila Saleh, accusé d'empêcher le vote de confiance au gouvernement d'union nationale conçu comme la seule solution politique acceptable et viable par la communauté internationale. Il est également visé par le gel des avoirs décidé par le Trésor. Le temps de la responsabilité historique a sonné pour les Libyens appelés à faire le choix du démembrement ou de la pérennité de la Libye unie et souveraine.