Des centaines de milliers d'Egyptiens, se sont donnés rendez-vous hier, place Tahrir, au Caire pour «se souvenir des martyrs de la liberté, de la dignité et de la justice», fêter le départ «forcé» de Hosni Moubarak après 18 jours d'une protesta qui a fait 365 morts et 5500 blessés et surtout faire le point sur la «marche» de leur révolution.Une semaine après avoir reçu le pouvoir de son chef suprême, l'Armée, l'épine dorsale du régime Moubarak, s'est, certes, engagée à préparer un retour à un pouvoir civil élu dans un délai indicatif de six mois, après avoir dissous la Constitution, dissous le Parlement, annoncé une révision de la Constitution par une commission de huit magistrats dont trois seraient pro-islamistes, confirmé la hausse de 15% des salaires des fonctionnaires et des retraites, placé en détention provisoire trois anciens ministres et Ahmad Ezz, l'influent homme d'affaires proche de Gamal Moubarak, pour malversations financières et annoncé qu'elle ne présentera pas de candidat à la présidentielle, prévue en septembre prochain. Pas plus. Plusieurs analystes laissent entendre qu'en guise de transition démocratique, la Grande Muette menée par le maréchal Mohammed Tantaoui et le vice-président Omar Souleymane, que Moubarak avait nommés depuis 1991, a servi au peuple égyptien des effets d'annonce. Tantaoui qui a dénoncé vigoureusement les grèves, s'apprêterait, dit-on, à interdire les réunions syndicales et professionnelles. La «Coalition des jeunes de la révolution», le groupe qui a participé au déclenchement de la révolte le 25 janvier, réclame «la libération immédiate de tous les détenus» et le remplacement du gouvernement actuel formé par Moubarak. Pour empêcher un retour à l'ancien régime, Mohamed El Baradei demande à l'armée de partager le pouvoir avec les civils pendant la transition. Comme les «jeunes» du 25 janvier qui ont appelé à la levée immédiate de l'état d'urgence, la libération des détenus, l'élaboration d'une nouvelle Constitution démocratique, plus de transparence dans les enquêtes qui ont tué des manifestants, la dissolution du Parti national démocratique (PND de Moubarak) il redoute l'arrivée d'un «nouveau pharaon». Surtout si les élections sont maintenues dans les délais annoncés. Les analystes soupçonnent l'armée de préparer le terrain à un Parlement où dominera s'il n'est pas dissous d'ici là le PND aux côtés des Frères musulmans qui sortent leur jeu. Forte du soutien du cheikh Youssef Al-Qaradaoui, la force d'opposition la plus puissante d'Egypte, réaffirment que les frères «n'ont aucun appétit pour la présidence ou pour une majorité» au Parlement, ils exhortent l'Armée à protéger leur révolution des «opportunistes» et lever l'état d'urgence. Quasiment invisibles durant les premiers jours des soulèvements en Egypte, Tunisie, Jordanie et auYémen, les islamistes reviennent sur le devant de la scène politique arabe pour s'offrir une réputation de fréquentables et à même de créer des partis politiques sur le modèle du Parti de la Justice et du Développement de la Turquie.