« J'ai lu les dix-huit portraits, dont celui de Mahboub Stambouli, qui était magnifique. L'œuvre de ce dernier est connue mais l'artiste beaucoup moins auprès de la jeune génération. Je pense qu'on a une dette envers lui. J'ai donc proposé aux deux frères Stambouli de rendre hommage à leur père, appuyé par des témoignages de ceux qui l'ont connu », a-t-il ajouté. Kamel Bouchama, écrivain, ancien ministre et ancien ambassadeur, a évoqué ses rapports avec Mahboub Stambouli. « Mon histoire d'amour avec la famille date de la révolution. Elle commence dans ma jeunesse car j'ai étudié au lycée de Ben Aknoun avec Ahmed Stambouli. Nous sommes devenus amis. Pendant les vacances, il m'invitait à Blida, au domicile familial. J'ai fait ensuite connaissance avec les autres membres de la famille dont le regretté Mohamed El Hafid, qui était plaisant, avait de l'esprit et le sens de la répartie. C'est grâce à lui que j'ai connu Si Mahboub. Je passais des après-midi entières avec lui. Je me plaisais à l'entendre parler. Il était doux, avenant, hospitalier. On discutait de tout et de rien. L'homme était une mine de connaissances et avait, surtout le don de composer rapidement des vers ». Il rebondit au sujet de l'artiste qui demeure inconnu. « Si aujourd'hui on ne connaît pas Mahboub Stambouli, c'est à cause de l'ignorance. On ne lit plus », regrette-t-il en concluant par la lecture de la préface rédigée en arabe d'un ouvrage de Mahboub Stambouli « Mountaqidatou essibeyane, mine athart lissane », sur la grammaire arabe. « Le livre a été rédigé au centre de détention de Bossuet en 1958. Alors qu'il était incarcéré, son souci était d'enseigner les rudiments de la langue arabe aux prisonniers. » Fierté et souvenirs d'enfant Nadjib Stambouli évoque, avec beaucoup de fierté, les souvenirs d'un père qui a réussi à concilier la religion et les arts. « Il a trouvé le parfait équilibre en parvenant, à travers ses œuvres, à trouver le juste milieu entre deux domaines jugés incompatibles, et ce grâce à l'éducation religieuse acquise auprès de mon grand-père, mufti à Médéa. C'est un exemple qu'on doit suivre », souligne-t-il. Bari Stambouli, son autre fils, a préféré lire une lettre émouvante qui lui a adressée à l'occasion de la commémoration de sa disparition, le 6 janvier dernier. « Te souviens-tu Sidi, te souviens-tu Sidi, lorsque tu me réveillais, à 2h en pleine nuit, pour me demander de retrouver le poème que tu avais écrit en hommage à ton ami Boubagra, ou celui que tu avais adressé à cheïkh El Khaldi... Te souviens-tu Sidi lorsque tu me parlais de cheïkh Abdelkader El Khaldi... Te souviens-tu Sidi lorsque je t'ai demandé que gardes-tu comme mauvais souvenir de la révolution, tu m'avais raconté l'histoire du sanguinaire La Gaillarde t'avait pris en otage avec cinq autres Algériens. Il avait égorgé les quatre premiers, et fatigué, il s'assit sur le corps du cinquième, passa sa langue sur le couteau plein de sang et cracha sur son visage avant de quitter la salle... » L'artiste Mahieddine Bentir intervient en révélant qu'il avait sollicité Mahboub Stambouli pour une chanson-hommage aux femmes. « Ya l'bakia » a été composée en trois minutes et obtient un grand succès. Un artiste pluriel Le comédien Abdelhamid Rabia a évoqué la vie et l'œuvre de Mahboub Stambouli. « Je n'ai pas eu la chance de travailler avec lui. Je l'ai connu à travers ses écrits. Né en janvier 1914 à Médéa, il a grandi dans une famille conservatrice. Agé à peine de 7 ans, il s'intéresse au 4e art. Il crée, ensuite, deux troupes de théâtre. A cette même époque, il écrit des qçids, des chants patriotiques et des pièces de théâtre. Au déclenchement de la révolution, il a rejoint les rangs du FLN et a été arrêté en 1957 pour n'être libéré que trois ans après. Plus tard, il animera des émissions radio sur la poésie et la chanson. Il formera ensuite une troupe de théâtre populaire qui sillonnera plusieurs villes. Au lendemain de l'indépendance, Mahboub Stambouli rejoint le TNA où il a mis toute sa verve créatrice au service de la culture. Il a écrit des nouvelles dans plusieurs revues et environ 5.000 poèmes classiques et melhoun, dix opérettes, une dizaine d'adaptations théâtrales, quatre romans, quatre feuilletons musicaux, une trentaine de pièces de théâtre. Il décède le 7 janvier 2002 à l'âge de 86 ans. » Présent à la rencontre, Atik Stambouli, ophtalmologue et imam de son état, témoigne : « J'étais son élève à Blida. Il m'a appris plein de choses dont les bases de la langue arabe. » Mahboub Stambouli était un artiste accompli, ayant touché à tout. Il est resté, sa vie durant, humble et effacé, n'ayant d'autres soucis que la perfection de son œuvre.