Le Centre de recherche stratégique et sécuritaire (CRSS), convié hier un bel aréopage d'universitaires et un homme politique de premier plan, Mouloud Hamrouche, l'ex-chef du gouvernement, pour une conférence-débat sur le thème «analyse juridique et politique de la levée de l'état d'urgence», un état d'urgence sous lequel vivent 19 pays. «Certains, comme la Malaisie et le Singapour depuis 1957», affirme M. M'Hand Berkouk, son directeur. Tous les intervenants, y compris les conférenciers, Laib Allaoua, un professeur en droit et Medjahed, un analyste et cheville ouvrière du centre, ont été unanimes à faire ce constat : le maintien de l'état d'urgence qui a été décrété en février 1992 comme réponse au terrorisme qui menaçait sur la cohésion sociale et la sécurité nationale, jusqu'à 2011 a «plus desservi que servi» le pays. Sur tous les plans. «On avait toutes les libertés, y compris critiquer les plus hauts responsables et un étranger visitant l'Algérie ne pouvait percevoir aucun signe d'un pays en état d'urgence», constate Medjahed qui a relaté l'historique de cette mesure exceptionnelle avant et après la mise à la disponibilité des groupes terroristes par le Fis-dissous de ses structures dans un premier temps et des contingents en renforts, dans un second et la création depuis des conditions qui ont rendu favorable sa levée. «La situation de désorganisation n'est plus ce qu'elle était», dit-il. Un avis que M. Berkouk partage amplement. «L'Algérie qui n'est plus face au terrorisme mais à des actes terroristes est entrée dans l'après-état d'urgence depuis un bon moment», dit-il. L'ex-chef du gouvernement, qui a préféré selon toute vraisemblance le CRSS pour revenir sous les feux de la rampe, a reconnu dans une brève mais concise intervention que le sujet est «sensible», pour moult raisons, même si, précise-t-il, «tous les pays du monde peuvent recourir à cette mesure quand il y a péril en la demeure. Le hic, dit-il, n'est pas dans son instauration ou sa levée mais dans la difficulté de «rompre» avec la «culture état d'urgence» qui est avancée pour expliquer toutes les lacunes. Y compris l'incapacité des partis à se construire après 20 ans. Il faut songer à ouvrir un débat comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Dans ces pays, la question sur le droit des forces de sécurité de savoir sur les agissements des uns et des autres, notamment des politiques, ne se pose plus. Le problème chez eux porte sur les garanties à donner aux citoyens sur le respect de la confidentialité des données obtenues, explique-t-il suggérant aux présents de penser à tirer les conclusions des 19 ans de cette mesure.