Autre décision courageuse, outrepasser les lenteurs qu'engendrent les clauses du code des marchés publics, qui ont tendance à précipiter le monument dans la déliquescence. Réagissant à la décision du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, de transférer le dossier de la réhabilitation de La Casbah à la wilaya d'Alger, l'écrivain-romancier, digne fils de la vieille médina- à laquelle il a consacré toute une œuvre- estime que La Casbah requiert d'avoir un interlocuteur unique et de faire place nette de toute une pléiade d'opérateurs budgétivores. Comment estimez-vous la décision du ministère de la Culture de rétrocéder l'épineux dossier de réhabilitation de la Casbah à la wilaya d'Alger ? Pour qu'elle soit judicieuse, la décision est d'autant pertinente, voire rationnelle ! D'ailleurs, ce n'est qu'un juste retour des choses qui progressaient si bien, du temps où la tâche de sauvegarde de La Casbah relevait des compétences de la cellule fonctionnelle de réhabilitation et de la gestion urbaine de La Casbah, qui a été créée le 3 janvier 2001 par un arrêté de la wilaya d'Alger. Pour ce qu'est du palmarès, la cellule s'enorgueillit de la mise en valeur de « Dar Essouf » (La maison des laines) qui abrite le siège de l'école nationale de conservation et de restauration des biens culturels, sis à la « z'niqa » des frères-Mohamed-Ahmed-Mechri (ex-Henri-Klein), grâce à une poignée d'ingénieurs de l'école algérienne et au savoir-faire d'opérateurs locaux, dont l'Entreprise communale de Bab El Oued, qui s'était également illustrée à Dar Mustapha-Pacha en termes de prise en charge efficiente en matière de restauration et de confortement de l'actuel musée public national de l'enluminure, de la miniature et de la calligraphie. Se voulant efficace, l'Entreprise communale de Bab El Oued, et de concert avec un staff technique restreint, avait satisfait à ses obligations contractuelles, notamment pour ce qui est des travaux préparatoires, de consolidation et la phase des tâches de restauration qui ont abouti à la livraison de ces monuments au mois de juin 2005. Outre cela, la cellule avait procédé à l'embellissement du mausolée du saint homme Sidi Abderrahmane et des « Dahir » de Sidi Ouali Dada et de Sidi Mansour, grâce à deux bureaux d'études qui supervisaient deux entreprises qui avaient fait leurs preuves dans la restauration du mausolée de Sidi Boumediene à Tlemcen. Seulement, l'œuvre de la cellule à laquelle l'ancien wali délégué de Bab El Oued en l'occurrence Abdelkader Kadi, avait apporté sa contribution, fut stoppée net dans son élan et le staff fut prié d'évacuer le siège qui était situé en face des vestiges du café des sports à Zoudj-Aïoune dans la Basse-Casbah. La phase de réhabilitation s'est avérée tatillonne et le chantier n'a pas encore dépassé le stade des travaux d'urgence... Quelles sont les raisons de cette situation ? De nos jours et depuis l'adoption en 2012 du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur, la vieille médina vit au rythme du cérémonial de sa Journée nationale, qui coïncide chaque année avec le 23 février. Et, au lieu qu'elle soit une rencontre « bilan », afin d'estimer ce qui a été fait ou se préoccuper sur le reste à réaliser, au contraire, la Journée de La Casbah prend l'aspect d'un rendez-vous... convivial. Sinon, qu'elle se folklorise pour faire le tour des « z'niqat » dépavées de vieille médina. Du reste, la Journée de La Casbah n'est rien d'autre qu'une opportunité d'accolades entre d'anciens « ouled el houma », qu'à l'ambition de mettre un terme à l'effarante phase d'écroulement de douerate. C'est le cas de Djamâa El Barani (Mosquée de l'étranger) sis sous les fortifications de Dar Essoltane, sur l'avenue Taleb-Abderrahmane à Bab Djedid. Donc, La Casbah ne tient qu'aux « béquilles » qu'il va falloir suppléer à l'aide de travaux de confortement. Seulement, les modalités du choix de l'opérateur et de l'ouverture de chantiers obéissent à la lenteur des dispositions du code des marchés publics, en dépit de l'urgence et de la spécificité des travaux liés à un ouvrage digne de durer dans le temps. Au demeurant, l'urgence est à la restauration des « z'niqat » Malaïka-Benaïssa (ex-Caton), l'îlot de Sidi-Abdellah ainsi que la venelle Brahim-Fateh, qui sont perpendiculaires à la rue Amara-Ali dit Ali La Pointe et qui menacent ruine. Autant dire que le péril est au coin de toutes les z'niqat, notamment au « sabat » (voûtain) Abencerage, où l'écheveau d'étais augure du pire. Et comme si le lot d'éboulis ne suffisait pas au malheur des Casbadjis, voilà que la culture de l'oubli s'en mêle et efface la plaque commémorative rivée au fronton des vestiges de la douera 9, rue de Thèbes, en hommage aux victimes de l'abject attentat qu'avaient perpétré, toute honte bue, les Ultras en ce funeste soir du 10 août 1956. Que faut-il faire justement pour sauver ce pan entier de notre identité des affres de l'oubli ? Sachez qu'en guise de reconstruction à l'identique, le « darbouz », ou la rampe du « Foqani » (palier supérieur) en bois des douerate, a été remplacé par une hideuse murette en briques. Les cas sont d'autant réels à Bir Djebah et sur la terrasse de la Gariba de la rue Ouchfoun-Mustapha où les malfaçons témoignent de l'indigence d'un savoir-faire que nos maçons ne maîtrisent pas. D'où l'urgence d'intensifier les sessions de formation pour la promotion d'ouvriers spécialisés dans le confortement du vieux bâti et de sélectionner les entreprises performantes, titulaires d'authentiques références en matière de restauration de sites et de monuments historiques. Autre décision courageuse, outrepasser les lenteurs qu'engendrent les clauses du code des marchés publics, qui ont tendance à précipiter le monument dans la déliquescence. Tout bien considéré et eu égard à sa notoriété universelle, La Casbah requiert une volonté politique de sauvegarde de la dimension d'un plan « Marshall ». Pour y parvenir, le mieux est d'avoir un interlocuteur unique et de faire place nette de toute une pléiade d'opérateurs budgétivores, à l'instar de l'Ogbec et de l'Agence de sauvegarde qui s'emmêlent les outils sur le terrain de leurs prérogatives. Ce n'est qu'à cette condition que l'on sauvera ce qui reste à sauver d'une perle méditerranéenne, qui reste l'excellent alibi à l'accession d'un logement, car à l'usure du temps s'est ajoutée aussi la main de l'homme, qui détruit sciemment une douera qui n'est pas la sienne, pour y être relogé. Comment rendre son attrait touristique à la vieille médina ? Jadis, La Casbah vivait de l'art de ses artisans, créateurs d'emploi et de richesse et mettaient ainsi de l'ambiance dans les venelles qui ne désemplissaient pas de visiteurs occasionnels et de touristes d'ici et d'ailleurs. Alors, et pour insuffler de la vie à La Casbah, le mieux est de tendre la main à la corporation d'artisans qui se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main, eu égard à la cherté des matériaux et de l'impôt. En effet, la gérance d'une ébénisterie d'art, ou d'une dinanderie, nécessite de coûteux frais divers de gestion, puisqu'en plus de l'onéreux coût du bois, il y a aussi l'impôt annuel forfaitaire fixé auparavant à 5.000 DA et qui a été revu à la hausse, soit à 10.000 DA, eu égard aux dernières mesures d'austérité. Donc, cela s'en ressent sur la capacité de ces artisans à subvenir aux charges de leur couverture sociale. Il y a eu en 1979 l'abrogation de la carte d'artisan intitulée « Rasma El Aslia ». C'est dire la nécessité qu'il y a à rendre l'investissement attractif afin d'encourager l'artisan à aller de l'avant et à assurer une relève à même d'insuffler de la vie à la Casbah. Qu'on se le dise.