Pour secouer le Palais et donner un écho à la rue, des partis politiques s'y mettent. Le Mouvement du 20 février ne s'essouffle pas. Il organisera aujourd'hui un sit-in à Rabat et à Paris pour réitérer ses revendications : réformes démocratiques urgentes, limitation des pouvoirs du Roi, qui est par ailleurs commandeur des croyants, détenteur du pouvoir de réviser la Constitution, dissoudre l'assemblée, d'imposer l'état d'urgence et de désigner les membres de l'exécutif, y compris du Premier ministre et changement fondamental de la Constitution, autant sur le fond que sur la forme pour une monarchie parlementaire et une démocratie réelle. Selon ses animateurs qui préparent une grande marche le 20 mars prochain, Mohamed VI n'a pas « saisi » leur message. Au lendemain des grandioses manifestations du 20 février dans plus de 53 villes que la police a réprimées (6 morts et 128 blessés), le Roi a déclaré qu'il ne céderait pas à « la démagogie et à l'improvisation » après avoir annoncé la création d'une coquille ville : un conseil consultatif économique et social où il a nommé, après allégeance, une centaine de commis de l'Etat. Pour secouer le Palais et donner un écho à la rue, des partis politiques s'y mettent. Premier à dégainer : l'Union socialiste des forces populaires, un parti qui siège au gouvernement. Il demande un rééquilibrage des pouvoirs entre la monarchie, le gouvernement, la justice et le parlement. Comme le mouvement du 20 février, il veut une monarchie parlementaire et n'exclut pas une sortie du gouvernement le 20 mars prochain. Le Mouvement populaire, lui aussi membre du gouvernement, plaide pour une réforme constitutionnelle globale et profonde. Dans le remue-ménage qui agite le landerneau politique à Rabat, même Abdelilah Benkirane, le leader des islamistes du Parti pour la justice et le développement et Abbas El Fassi, Premier ministre et premier responsable de l'Istiqlal, pourraient laisser des plumes. Le premier pour son soutien à une monarchie exécutive au grand dam de la majorité du parti et le second pourrait être sacrifié par le Palais avant de déclencher un « package » de réformes pour calmer la rue. Comme la création d'un Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) qui sera présidé par Driss El Yazami-l'ex-secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme et président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger-à la place du Conseil consultatif des droits de l'Homme créé en 1990 par le roi Hassan II. Selon Mohammed Sebbar, le secrétaire général du Conseil nommé jeudi par le roi, le CNDH jouira d'une « autonomie » et sera doté de « larges prérogatives dans les domaines de la protection et de la promotion des droits de l'Homme ». « La révolution est en marche. Viendra-t-elle de vous ou se fera-t-elle contre vous ? », s'interroge Abdelhak Serhane. Dans une tribune présentée comme la «supplique d'un dissident à Mohammed VI», l'écrivain marocain interpelle vigoureusement le successeur de Hassan II. Après avoir dressé un constat amer de son règne et dénoncé le pouvoir d'une poignée d'hommes d'affaires et politiques proches du Palais, décrits comme des «commis sorciers qui ont étouffé le jeu politique, ruiné la concurrence économique, dilapidé les deniers publics dans des lubies et piétiné le contrat constitutionnel, celui de défendre les intérêts du peuple», il lui suggère d'accompagner la révolution s'il ne veut pas être balayé par «la colère des déshérités» qui est «sans nuances» et d'une jeunesse qui ne croit plus en leurres dressés devant elle. Comme la possibilité de critiquer le gouvernement, les parlementaires, les élus locaux et les préfets, pour mieux interdire toute critique du Roi ! Une sacralisation du sultan qu'on retrouve dans toutes les monarchies arabes où la soif de changement se décline dans la rue. En Arabie Saoudite, les manifestations ne sont pas seulement interdites, mais décrétées comme «incompatibles» avec la charia !