Le Premier ministre Viktor Orban, porté par un discours radicalisé sur l'immigration, compare celle-ci à « un poison » et veut totalement s'affranchir. « Je suis fier que nous soyons les premiers (en Europe) à répondre à cette question dans les urnes, même si nous sommes malheureusement les seuls », a affirmé Orban en votant en matinée à Budapest. Le ton est ainsi donné. La campagne de mobilisation du camp du non, largement donné vainqueur par les sondages, a été lancée. Dans une tribune publiée samedi, le Premier ministre a estimé que les Hongrois avaient « le devoir » d'aider le gouvernement à combattre les décisions de « l'élite à Bruxelles ». « Avec le référendum, nous pouvons envoyer un message à chaque Européen : leur dire que cela dépend de nous, les citoyens européens, de ramener l'UE à la raison (...) ou de la laisser se désintégrer », a-t-il martelé. La démarche, lancée en février, surprend. Emmurée dans des barricades de la désolidarisation avec ce drame humain, Budapest se distingue par la quasi-absence des demandeurs d'asile accordé au compte-gouttes. Le Premier ministre hongrois, accusé par l'opposition de surfer sur le « marché de la peur » assimilant les demandeurs d'asile aux terroristes, entend rafler la mise politique. La carte migratoire lui permet, en effet, d'occulter les ratages de la gouvernance économique et sociale pour mettre l'étrier sur le 3e mandat consécutif, en 2008. Cette manœuvre de diversion du seul pays qui dit non à la solidarité européenne l'éloigne davantage de l'Union européenne ébranlée dans ses fondements unitaires, particulièrement à la lumière du choc du Brexit porteur d'un divorce prévu par la Première ministre, May Theresa, « avant la fin 2017 ». Bruxelles, qui souffre des balbutiements du premier plan de relocalisation des 160.000 demandeurs d'asile syriens, irakiens et érythréens présents en Grèce et en Italie, entre les 28 Etats membres, est confronté au défi hongrois, occultant son engagement visant à accueillir quelque 2.000 réfugiés. Cette crise de légitimité qui porte un coup sévère à la légitimité des décisions impacte nécessairement le devenir unitaire de l'Europe. « Si des référendums sont organisés sur chaque décision des ministres et du Parlement européens, l'autorité de la loi est en danger », s'est alarmé, cet été, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Le coup de Jarnac hongrois a été également dénoncé par le président du Parlement européen, Martin Schulz, mettant en garde contre « le jeu dangereux » de la Hongrie. « Organiser un référendum là-dessus est un jeu dangereux », a-t-il déclaré au groupe de presse allemand Funke. Car, pour lui, un « principe fondamental de l'Union européenne est en jeu ». Il s'agit, soulignera-t-il, du « bien-fondé de la législation européenne, à laquelle la Hongrie, elle-même, a contribué », fera remarquer le président du Parlement européen, appelant, en conséquence, les dirigeants des autres pays membres de l'UE à apporter un cinglant démenti en montrant à la Hongrie de Viktor Orban que « la solidarité n'est pas à sens unique ».