Sitôt passée la période du jeûne, on s'empresse de changer de décor. Le mois sacré du ramadhan laisse un vide énorme, après les joyeuses veillées et la pénible endurance d'abstinence, nous voilà revenus à notre boulimie quotidienne. Les amateurs de la cigarette ont repris leur session de fumigation pour empester une atmosphère assainie par le jeûne. On n'aura pas assez dit sur les vertus du mois sacré, des leçons mal apprises ont vite déteint sur la société, le comportement peu exemplaire des gens durant tout le ramadhan a complètement tourné. Dans cette controverse du vice et de la vertu, les chemins de l'enfer restent pavés de bonnes intentions. C'est malheureusement la grand messe qui prend le relais d'une vie spirituelle paisiblement accomplie. Les souks et les centres commerciaux qui n'ont toujours pas tempéré leur cupidité, redoublent d'ardeur pour rattraper le temps perdu et un manque à gagner sur le dos des citoyens. Ils sont nombreux du voyage pour les visites familiales, les transporteurs s'en lèchent déjà les babines pour ramasser les dividendes. Ça sera leur fête à eux, les clandestins reprennent du service pour soutenir les transporteurs publics. C'est un grand rodéo du côté du Caroubier, en dehors de l'enceinte de la gare routière, une armada de clandos vous guette. De longues colonnes de voyageurs sont déjà passées au bled après le vingt-septième jour du ramadhan, tant pis pour les retardataires, on lui fait payer le prix de ce ratage, les prix se négocient au gré à gré. Ils sont forcés de débourser le prix à payer pour pouvoir enfin arriver chez eux et y passer l'Aïd. Alger s'est déjà vidé, les rues désertes retrouvent leur quiétude. Un sentiment de solitude prend place, la fête de l'Aïd et du pardon est venue sanctionner l'épreuve d'abstinence. Dans la piété et la ferveur, on savoure la satisfaction d'avoir accompli cette mission spirituelle. C'est par l'esprit et non le ventre qu'on arrive à maîtriser notre ego. Heureux qui aura fait école dans ce long apprentissage pour mener une guerre sainte contre son ego.