Noureddine Louhal est un fils authentique de la médina d'Alger. Il ne cesse de ressusciter son passé et de pleurer son présent décrépi... Parlez-nous de ce nouveau-né qui vient enrichir votre riche bibliographie... Au-delà d'un titre assez fréquent, voire répandu pour avoir été chanté sous le titre de « Ya d'zaïr ya El Beida » et utilisé par d'autres confrères, celui de mon livre « Alger la Blanche » narre à qui veut bien me prêter l'oreille, un florilège de contes, de légendes et de boqalat d'Alger. Sans doute me sera-t-il fait le reproche d'un air de déjà entendu, mais je puis rassurer d'ores et déjà mes lecteurs qu'il s'agit plutôt d'une idée novatrice. J'ai imaginé ce concept afin de plaire avant tout à nous autres, les « Seniors ». En effet, et au risque d'esquisser la moue sur les frimousses de nos enfants, « Alger la Blanche » se veut une main tendue d'abord aux papas gâteaux et aux mamans poules, pour qu'ils aillent refaire le chemin à l'envers, vers l'enfance qu'ils n'auraient jamais dû quitter. Etant sûr qu'ils se délecteront à la fontaine de jouvence qui coule de source au fil des pages de mon modeste livre, ces parents conteront à leurs enfants les histoires qui avaient bercé leur tendre enfance. Alger est riche de lieux de notre jeunesse qui risquent de sombrer malheureusement dans l'oubli si l'on ne fait pas l'inventaire de ces endroits mythiques. Le mieux est d'immortaliser « Dar El Ghoula » (La maison de l'ogresse) au quartier de Debbih-Chérif (ex-« Tournant-Rovigo », « Dar Raïba » (La maison en ruines) à Houanet Sidi Abdellah à la Casbah, ou l'Oued-K'nis et Djebel Koukou au Frais-Vallon. J'ai eu l'idée d'inclure les contes de notre enfance, dans le décor lugubre de ces lieux de légende qui s'exposent hélas, peu à peu, aux risques d'effacement de la mémoire collective. Quoi de plus beau que d'aller sur les traces des deux princesses N'fissa et Fatma dont le repos éternel fut perturbé par la profanation de leur cimetière sis à la z'niqa N'fissa (ex-rue de l'Empereur), à la Basse-Casbah. « Alger la Blanche » est aussi une visite aux douerate de L'Mâakra ainsi que de la sublime Khedaoudj El Âamia et de tant d'autres personnages de légende, dont la morale a concouru à façonner les femmes et les hommes que nous sommes devenus aujourd'hui. Pourquoi la Boqala ? N'est-ce pas de peur que ce jeu de société soit en déclin à cause du désintérêt de notre jeunesse ? La Boqala est aux riveraines du littoral d'Alger, de Cherchell, de Dellys..., ce que l'« Achouiq » est à la fille d'Idhourar N' Djurdjura. Elles extériorisent leur trop- plein de chagrin ou de mélancolie au moyen de poèmes concis, rimés et venus du plus profond de leur être. D'où le désir de parler d'un moment magique. L'opportunité m'a été offerte d'être tout près des femmes pour nourrir mon goût envers l'habileté de la gent féminine à calligraphier des mots à l'aide d'une plume qu'elles trempent sûrement dans le sang qui irrigue les cœurs de ces belles âmes. Il est difficile d'estimer que ce jeu soit en déclin, alors qu'il réunissait autrefois « B'net eddar » autour d'un rituel, qui, heureusement, a tendance de nos jours à réapparaître durant le mois sacré de Ramadhan. Certes que c'est si peu en matière de vulgarisation et d'apprentissage, mais cela promet cependant des lendemains meilleurs sur les réseaux sociaux, où l'on enregistre un regain d'intérêt de nos jeunes pour ce jeu qui faisait battre les cœurs de nos mères. De nombreux auteurs, dont Kaddour M'hamsadji et Rebbahi, ont travaillé sur le sujet. En quoi ce nouvel ouvrage est-il novateur ? Tout bien considéré, je m'interdis d'ajouter quoi que ce soit à ce qui a été déjà dit, si ce n'est le souci d'aborder le sujet pour qu'il ne s'englue pas dans l'oubli. Je reste fidèle à l'instant magique d'une « Ouqda » (nœud) qui décrit le rituel tel qu'il m'a été rapporté par mon épouse, des doyennes de douerate et d'adorables grands-mères. Quels sont vos projets ? Mon livre « Les Jeux de Notre enfance » (ed. ANEP) a été traduit du français vers tamazight par le Secrétaire général du Haut Commissariat à l'Amazighité. Cela m'a comblé d'aise. Autant savourer en plus ces moments de pur bonheur durant ce SILA.