Le débat sur la supposée influence des réseaux numériques sur la formation des opinions politiques remonte en surface à la faveur des élections présidentielles américaines. Les médias et instituts de sondage ont complètement raté le coche et sont passés à côté de la plaque en minimisant les chances de Trump de gagner le vote. Dans leur quête d'explication à cette « débâcle », les analystes ne négligent aucune piste pour comprendre comment Trump a pu gagner la bataille de l'opinion. Décidément, les réseaux sociaux ont la part belle dans cette élection présidentielle américaine qui a permis de faire accéder à la Maison Blanche un 45e président des Etats-Unis aux allures et postures toutes différentes de ses prédécesseurs. Les sondages et les médias, notamment la presse traditionnelle, ne lui ont pourtant pas accordé de grandes chances, incitant même Madame Clinton à donner l'impression de jouer sur du velours et d'évoluer en terrain acquis. Passées les premières désillusions du camp des démocrates et des grands organes de la presse américaine et internationale, les doutes et questionnements prennent place pour permettre de déconstruire cette situation et comprendre comment la démocratie américaine a-t-elle pu engendrer un chef de l'exécutif dont la campagne électorale a été parsemée de propos et positions politiques le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne réfèrent pas du tout aux valeurs de démocratie plantée par le pionnier de la politique américaine. Tout naturellement, les regards se tournent vers les réseaux sociaux, pour voir comment ils ont fonctionné et déceler leur part de responsabilité dans l'issue de cette élection. « Depuis le résultat de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, l'Amérique et le monde cherchent un responsa-ble, et de nombreuses voix accusent directement Facebook, relate le site www.begeek.fr qui reprend une information partagée par l'ensemble des rédactions de presse américaine et internationale, avant de se poser la question, qui taraude de nombreux analystes : « Le réseau social a-t-il le pouvoir de faire basculer une élection ? ». A lire les différents rapports de presse effectués sur l'usage des réseaux sociaux par les candidats à la présidentielle américaine, on comprend en effet leur rôle, leur impact et la place qu'ils ont occupée dans la distribution du discours électoral des deux camps. Mais une pointe particulière est adressée au leader des réseaux sociaux, Facebook, que d'aucuns n'ont pas hésité à désigner comme la clé du succès de Donald Trump à la présidentielle. « Facebook aurait favorisé l'élection du candidat républicain en laissant se propager certaines rumeurs virales, voire en mettant en avant de fausses nouvelles dans son flux d'informations Trending Topics », lit-on sur ce même site qui se fait l'écho de cette hypothèse avancée par de nombreux analystes qui prennent pour cible le fameux Trending Topics, ce fil d'actualité qui diffuse des nouvelles en fonction des données connues de l'utilisateur et qui se base sur le travail des algorithmes. Beaucoup pensent en effet que le mode de fonctionnement de cette application qui a été sous-traitée à l'intervention de l'élément humain peut avoir été une porte d'entrée pour un travail de manipulation politique par les candidats à la présidentielle. L'application centralise les événements, les articles de presse, les news ainsi que les informations qui font le buzz sur internet, et les propose à l'utilisateur selon ses préférences en les lui affichant sur son fil d'actualités. Après avoir fonctionné un certain temps, et suite à des erreurs d'appréciation qui ont provoqué de nombreuses protestations, la direction de Facebook décide de retirer les journalistes en charge de cette fonctionnalité qu'ils confient à des algorithmes. A partir de là, d'autres appréhensions voient le jour, soulignant le fait qu'une grande différence est perceptible dans l'intervention d'un automate informatique. « Le problème entre une intelligence artificielle et un vrai journaliste, c'est que l'algorithme ne va s'attacher qu'aux données statistiques (nombre de vues, de partages, de likes, de commentaires, etc.) pour déterminer si le sujet est suffisamment « chaud » pour intégrer le Trending Topics et inonder davantage le monde, fait remarquer begeek.fr précisant qu'au contraire, le « journaliste va vérifier si l'info est vraie ou fausse, avant de faire suivre « bêtement » un buzz ». Dans son fonctionnement durant la campagne électorale, l'application de diffusion des news de Facebook semble avoir laissé remonter de nombreuses informations fausses ou inexactes dont certaines ont été largement commentées par la presse internationale qui a constaté ainsi que « les internautes se sont retrouvés à voir passer de nombreuses fausses informations ou des rumeurs devant les yeux quotidiennement, qui étaient mises en avant comme si elles étaient des faits avérés, influençant la perception des candidats », selon begeek.fr qui ajoute que « l'algorithme de Facebook se basait sur les préférences de chaque utilisateur. Ces derniers reçoivent uniquement la version qu'ils « veulent lire », Facebook enferme donc les internautes dans une bulle virtuelle et prêche des convaincus ». En suivant le fil de l'actualité alimenté par les algorithmes de Facebook, des journaux américains ont effectivement constaté une remontée de fausses informations mettant en cause le couple Clinton, sans aucune vérification préalable comme le demande l'éthique journalistique. Sur une édition du New York Magazine, un titre a été mis pour annoncer que « Facebook a permis la victoire de Trump », suivi d'un article accusant le réseau social d'avoir travaillé en faveur du candidat républicain, en laissant « circuler de façon disproportionnée de fausses informations, sans jamais les nier par la suite », souligne begeek.fr qui reprend quelques exemples de fausses nouvelles mises en ligne : « Les Clinton ont acheté une maison à 200 millions de dollars aux Maldives », « Hillary Clinton a acheté pour 137 millions de dollars d'armes illégales » ou encore que « le pape soutient Trump » , écrit le site qui se fait l'écho des informations révélées par le journal selon lesquelles « certaines ont été partagées, « likées » et commentées des centaines de milliers, si ce n'est des millions de fois (...). Beaucoup de ces histoires étaient des mensonges ou des « parodies », mais leur apparence et leur emplacement dans le fil d'actualités ne différaient en rien de celles des auteurs qui s'engagent à, vous savez, ne pas mentir. » D'après les dernières études des tendances de consommation des informations par les différentes catégories de publics américains, on constate, comme le relève le site du journal français leprogres.fr que « Facebook, qui compte 1,7 milliard d'utilisateurs dans le monde, est devenu la principale source d'information d'un grand nombre d'Américains », ce qui fait, ajoute-t-il que les « détracteurs du plus grand réseau social mondial lui reprochent de donner une vision unilatérale de l'actualité en renforçant les opinions individuelles sans favoriser un débat contradictoire ». Comme à son habitude, le patron de Facebook monte au créneau pour démentir toutes les informations imputant à sa société la réussite de Trump aux élections présidentielles américaines. « L'idée selon laquelle de fausses informations sur Facebook, qui ne sont qu'une petite partie du contenu, ont influencé l'élection d'une manière ou d'une autre, est complètement folle », a fait savoir Mark Zuckerberg, qui estime également qu'il « y a un profond manque d'empathie lorsqu'on dit que la seule raison pour laquelle quelqu'un aurait voté comme il l'a fait est qu'il a vu de fausses informations ». Paradoxalement, le débat avait porté sur une thèse contraire, au printemps dernier, lorsque la presse américaine s'était intéressée à la question « Facebook peut-il influencer le résultat de l'élection américaine ? », comme le mentionne le site du quotidien français liberation.fr, dans un papier mis en ligne le 24 avril dernier dans lequel il mentionne les propos d'un professeur de droit de l'université UCLA selon lesquels « Facebook peut promouvoir ou bloquer toute information... Facebook a le même droit au premier amendement [sur la liberté de la presse, ndlr] que le New York Times. Il peut complètement bloquer Trump s'il le souhaite. » Les écrits de presse se sont également référés aux « exploits » de la fonctionnalité Trend Topics et pris en compte les déclarations de Zuckerberg, jugées très critiques à l'égard du candidat Trump. Sans citer le nom du candidat, Mark Zuckerberg a déclaré devant des investisseurs venus assister à une conférence : « J'entends d'horribles voix appeler à la construction de murs et mettre à distance les gens qu'ils désignent comme « les autres ». Je les entends demander à limiter la liberté d'expression, ralentir l'immigration, réduire les échanges et même dans certains cas couper l'accès à Internet... Ça demande du courage de choisir l'espoir et non la peur », a-t-il déclaré. Cela a suffi pour relancer le débat sur le rôle des réseaux sociaux dans la bataille de l'opinion. De nombreux titres de la presse américaine se sont ainsi intéressés de près à ce nouveau terrain de la lutte politique qui a vu les candidats des deux camps utiliser tous les moyens numériques possibles pour accéder aux électeurs. « En 2016, les deux tiers des Américains s'informent sur les réseaux sociaux. C'est 50 % de plus qu'en 2012. A l'époque, Facebook, l'outil privilégié, était surtout un moyen pour cibler leurs électeurs (Obama était le champion pour ça). Là, c'est devenu un terrain de campagne à part entière, rapporte le site de la radio française rfi.fr dont le journaliste « estime à plus de 5,3 milliards le nombre de publications, de partages, de likes, sur l'élection. C'est de loin le sujet le plus commenté de l'année », explique-t-il. Les deux candidats se sont pliés au jeu des réseaux sociaux en créant des comptes dont la meilleure cote de popularité revient à Trump qui a eu 13 millions d'abonnés sur Twitter contre seulement 10 millions pour Hillary Clinton. La pratique active de la communication digitale à travers les réseaux sociaux semble avoir procuré un avantage à Donald Trump dont l'efficacité de la communication a été soulignée par les observateurs. « Les messages du candidat républicain sont aussi quatre fois plus partagés que ceux de son adversaire », note rfi.fr ajoutant que « Trump, ennemi de la plupart des médias, utilise Internet pour attaquer, créer des polémiques. Il a compris le pouvoir viral : il faut faire parler de soi, bombarder, quel que soit le message, même si c'est du mensonge. Du clic, du clic, et encore du clic... ». Même si les accusations de favoritisme au profit de Trump prononcées à l'encontre de Facebook ne sont pas encore suffisamment étayées, le pouvoir d'influence de ce dernier est de plus en plus avéré sur le façonnement des opinions politiques. Inquiets de l'implication éventuelle de leur employeur dans la bataille des présidentielles américaines, les em-ployés ont adressé à leur patron une question en interne, au printemps dernier lui demandant de leur expliquer : « Quelle responsabilité Facebook a-t-il pour aider à éviter que Trump devienne président en 2017 ? », lit-on sur le site liberation.fr. D'après rfi.fr, la publication d'un appel à aller voter sur le fil du réseau social a engendré des résultats tangibles : « 123 000 inscriptions en Californie le 23 septembre, soit cinq fois plus que la veille. Dix fois plus dans l'Illinois, vingt fois plus dans l'Alabama », rapporte-t-il.