Dès les premières heures de la matinée d'hier, le symbole de la résistance à la domination américaine et le bâtisseur d'une nation libre, fière et égalitaire, devait être inhumé, lors d'une cérémonie « simple », au cimetière de Santa Ifigenia, dans la deuxième ville du pays, située sur la pointe orientale de l'île, pour reposer au côté du mausolée de José Marti, père de l'indépendance de Cuba, et d'autres héros nationaux enterrés dans cette nécropole. La victoire historique de Castro s'exprime clairement dans le formidable élan de sympathie manifesté par le peuple cubain uni autour de son leader charismatique. Depuis l'annonce de son décès, une large procession de « fidélistes » a cristallisé une osmose incontestable qui a opposé un démenti cinglant aux thèses farfelues pariant sur une dissidence réduite comme une peau de chagrin et, comme de coutume, brandissant l'arme des droits de l'homme pour tenter de mettre en échec le modèle cubain. La réalité est forcément toute autre. A La Havane, comme dans toutes les villes traversées par le convoi jusqu'au bastion de Santiago, la marée humaine a renvoyé à ses chères études un Occident malade d'un « dictateur » plébiscité par son peuple massé par centaines de milliers le long des routes et paraphant dans chaque quartier et chaque village des registres pour défendre l'héritage au « Commandant en chef ». L'Occident qui a évoqué le scénario de « l'après-Fidel » a encore une fois vu tout faux. La leçon cubaine se pare d'une fidélité jamais démentie. Lors d'une cérémonie d'hommage tenue place de la Révolution Antonio Maceo de Santiago, le président Raul Castro a juré de « défendre la patrie et le socialisme », prenant l'exemple de Fidel qui a démontré que cela est possible, qu'on peut « renverser tout obstacle, menace, soubresaut dans notre détermination à construire le socialisme à Cuba ». Et pour mieux protéger l'image idyllique de l'homme qui a consacré toute sa vie à la révolution émancipatrice, Raul Castro a confirmé qu'aucun lieu ni monument ne porterait le nom de Fidel Castro à Cuba. « Le leader de la révolution rejetait toute manifestation du culte de la personnalité et a été constant dans cette attitude jusque dans ses dernières heures », a-t-il expliqué. L'enjeu réside désormais dans la consolidation des acquis de la révolution cubaine, marquée du sceau de l'ouverture et du rapprochement amorcé avec les Etats-Unis. Ce tournant suscite le soutien des « fidélistes » accordant leur confiance au président Raul, appelé à se retirer en 2018, et à ses successeurs pour continuer la marche victorieuse de la révolution adaptée aux mutations en cours. « J'ai confiance en Raul parce que Raul est le frère de Fidel, et Fidel lui a tout appris et tout légué », estime Irina Hierro Rodriguez, professeure de 23 ans, citée par une agence de presse internationale. « Aucune société n'est parfaite. Le concept de la révolution est de changer ce qu'il faut changer : si c'est pour perfectionner notre modèle économique, tant mieux », souligne de son côté Marta Loida, professeure d'université de 36 ans. La bataille des réformes économiques est le principal défi des successeurs de Fidel Castro.