Mustapha Kateb dont on retient le nom au théâtre, lui qui a fait partie intégrante de la troupe théâtrale du FLN qui a sillonné l'entité du pays et alors qu'il était sous l'emprise coloniale, pour un éveil des consciences, n'est pas souvent revenu en mémoire. Hormis peut-être les années qui ont suivi sa disparition. Mustapha Kateb, ce monument du théâtre radiophonique d'abord et du cinéma, à l'allure imposante, savait aussi l'être devant la caméra et sur les planches. Une voix tonitruante, absolue dans la diction, savait parler au public, au cinéphile, et Dieu seul sait que la distance avec lui n'est pas la même, car elle se mesure absolument à la capacité de l'artiste de transcender toutes les frontières pour faire parvenir son message et qu'il atteigne en toute grandeur la cible. Il en est ainsi de cet homme de théâtre fait pour soulever la poussière sur les planches. Et il en a été ainsi, lorsqu'avec Mohamed Boudia, cet autre homme de culture pluridisciplinaire, ils formaient à eux deux le duo infernal aux commandes de l'ex-Opéra d'Alger, actuel Théâtre national algérien (TNA) Mahieddine-Bachtarzi. C'était au lendemain de l'indépendance, en 1963. Il a comme Yacine commencé sa carrière artistique dans les années 1940, période qui lui fait créer sa propre troupe El Masrah. Il ne pouvait en être autrement, lui le possédé « El meskoun », à l'image de ceux qui étaient mordus des tréteaux et que l'on appelait ainsi et comme en parlait Mahieddine Bachtarzi dans ses mémoires. Mustapha dirigera le théâtre en y faisant jouer de grandes œuvres d'auteurs algériens montées par lui-même, dont « Le cadavre encerclé » et « L'homme aux sandales de caoutchouc », de son cousin Yacine, entre lesquels trône l'ombre de Nedjma, sœur de Mustapha... En 1965, il crée l'Institut national de l'art dramatique et de la chorégraphie (INADC) de Bordj El Kiffan, aujourd'hui Institut supérieur des arts et des métiers du spectacle et de l'audiovisuel (Ismas). Il vit l'apogée du théâtre algérien porté au summum de son existence. Puis comme « c'était trop beau pour être vrai », il a fallu que Mustapha, farouchement opposé à la décentralisation des théâtres qu'il qualifie de prématuré, quitte le TNA pour que le ministère de l'Enseignement supérieur le nomme conseiller chargé de l'animation culturelle. Puis chassez le naturel, il revient au galop, Mustapha Kateb est de retour en 1988, au square Port-Saïd. Certes, les choses ne sont plus ce qu'elles étaient dans les années 1970. Ce retour permet néanmoins à l'artiste de rebondir et d'inscrire de nouveau son nom au firmament avec le montage par Allel EI-Mouhib, de monter « La maison de Bernarda Alb ». Un beau succès. Ce ne sera pas le cas avec « Bayaa rassou fi Kartassou », pièce passée sous silence. Dans le 7e art, Mustapha n'a pas manqué de briller. Tant sur le petit ou grand écran. Un rôle, l'ultime dans Hassen Niya, avec le succulent Rouiched, une réalisation de Ghouti Bendeddouche. Mais le rôle qui lui échoit dans l'adaptation du roman « L'opium et le bâton » de Mouloud Mammeri par Ahmed Rachedi est, sans nul doute et incontestablement, le meilleur qui restera à jamais ancré dans la mémoire populaire, celui de médecin, le Dr Lazrak, à la stature emblématique... Aujourd'hui, le nom de Mustapha Kateb, s'il est associé à la vie du théâtre algérien, n'en transparaît pas plus pour autant. Seule évocation, pour mémoire, le centre culturel de l'Etablissement arts et culture de la wilaya d'Alger, sis au 5, rue Didouche-Mourad, à Alger, qui porte son nom, pour l'éternité.