« Nous ne savons même pas avec exactitude le nombre de victimes de ces manifestations. Nous avons, pourtant le moyen de le faire », a affirmé Me Benbraham. Il suffirait, selon elle, « de consulter les archives des hôpitaux où furent acheminées ces victimes, à Alger ou dans d'autres villes du pays ». « Une stèle à Belcourt, 30 ans après ces événements. Est-ce tout ce que méritent ces victimes ? Le peuple s'est exprimé ce jour-là. Sa parole ne mérite-t-elle pas d'être analysée dans nos universités ? », s'est-elle interrogée devant des témoins de ces manifestations. « Les manifestations ont éclaté alors que le maquis s'était vidé et la zone autonome d'Alger décimée. Le peuple a pris la relève, en soutenant le FLN et le GPRA. Il a envoyé un message fort au général de Gaulle qui prononçait des discours controversés », a-t-elle soutenu. L'un des témoins, qui assistait à la conférence, a rapporté avoir reçu des instructions quelques jours avant ces manifestations, de fabriquer des drapeaux algériens. « J'avais 16 ans. J'ai reçu ainsi que d'autres personnes des instructions de la part des cellules dormantes du FLN. C'est ce que nous avions fait avant de participer à ces manifestations qui ont éclaté à Belcourt », se souvient-il. Me Benbraham a précisé que sa grand-mère l'emmenait avec elle pour acheter du tissu blanc, pour la confection de drapeaux. « On habitait La Casbah étroitement surveillée. Etant une petite fille blonde, les militaires me prenaient pour une Française. Les femmes de La Casbah m'utilisaient comme un passe-partout pour endormir la méfiance des militaires en allant acheter du tissu. Les hommes étaient chargés des banderoles », a-t-elle ajouté, qui portaient des slogans comme : « Algérie algérienne », « Algérie indépendante », « Vive le FLN », « Vive le GPRA », « Ferhat Abbas au pouvoir ». Elle a estimé, par ailleurs, qu'« il n'était pas possible de déterminer si les manifestations étaient spontanées ou organisées par le FLN. « Le FLN n'avait pas affiché et n'a jamais revendiqué ces manifestations. Il a encadré celles-ci car ses cellules dormantes étaient toujours actives. Le mouvement national ne s'est jamais éteint », a-t-elle soutenu. Elle a enfin rappelé qu'à la veille de ces manifestations, de Gaulle était en visite à Aïn Témouchent, entouré d'un staff de journalistes de différentes nationalités qui ont couvert les manifestations du 11 décembre 1960. Cette visite a fortement déplu aux colons qui ont manifesté contre lui car ils redoutaient ses signes d'ouverture. « Les colons ont investi les rues de la capitale, tentant même d'entraîner des Algériens. Ces derniers n'ont pas marché, estimant qu'ils ne partageaient pas les mêmes revendications », a-t-elle conclu.