L'édition, on le sait, comme bon nombre de sphères culturelles, est loin d'être le parangon de la vertu artistique. Nombreux sont ceux qui pensent qu'en optant pour un titre pompeusement hollywoodien, « Un Empereur nommé désir » (Anep, 2016), Djawad Rostom Touati allait jouer le Marlon Brando de la prose. L'accroche, il est vrai, est bien présente mais c'est à l'œuvre de dérouler le talent prometteur d'un jeune écrivain bien décidé à arracher une place au soleil. Aux textes des grands films américains où l'esthétique technique est érigée en doctrine, il livre une œuvre somme toute ordinaire, mais porte, néanmoins, en elle une charge tragique, réelle voire réaliste. Elle est racontée dans une langue originale dans laquelle s'affrontent une poésie douce, exubérante et une plume rebelle, acérée, sèche pour dire le marasme qui angoisse le romancier. Nadir, Daria et Imene. Trois personnages atypiques. Le premier porte les « gènes » chevaleresques de Don Juan, épris de poésie et de... femmes. Les deux nymphes - l'une a l'appât du désir tandis que l'autre sent la pudeur - se jouent, elles, chacune dans son coin, les faveurs de ce « prince » épris de culture française et de mythologie grecque. La fidélité « conjugale », il s'en fiche comme d'une guigne, mais finit, non sans avoir livré moult batailles freudiennes, par plier devant la « pucelle » Daria, en qui il voit une essence presque céleste. De ce microcosme que certains jugeraient « banal » se dégage pourtant une alchimie de vie d'une indescriptible vivacité, où se mêlent et s'entremêlent tout ce dont l'être humain est capable d'incarner : morale, égoïsme, condescendance, amour, plaisir de la chair, narcissisme...le titulaire du second prix Maâchi, ne s'en tient pas là. Il engage, plus qu'un bras de fer, une bataille avant-gardiste sans merci contre les gardiens du temple, le jour, et les usurpateurs de la vertu, la nuit. Tout est cible de ses diatribes : l'opulence clinquante, le patriotisme frelaté d'une élite en mal d'un passé douteux, l'art... en tout cas, on est loin de l'atmosphère lugubre du polar. Et du roman noir, le romancier semble y faire peu de cas. Il défend pied à pied une littérature plus proche du roman de gare que celle portée par les proses grandiloquentes. « C'est un roman qui reprend l'un des schémas typiques de ce que j'appelle le roman de gare, c'est-à-dire le triangle amoureux, afin de tourner en dérision ce genre de romans qui nous brossent à chaque fois une représentation fantasmatique de la réalité, alors que le quotidien, qu'il soit algérien ou universel, est complètement à contre-courant de cette description mièvre et dégoulinante de fausse sentimentalité », prône-t-il. Du talent, ce jeune détenteur d'un master en management, il en a à revendre. Et tout porte à croire que sa seconde prose, s'il y aura, bien sûr, fera lécher les babines des éditeurs, appelés, espérons-le, à puiser dans la plume fertile d'une jeunesse mise en sourdine pour des desseins profanes. « On détient un grand écrivain. Il a un style vraiment très personnel, une érudition. Ses personnages sont crédibles et il a des références littéraires et philosophiques », se vante l'inénarrable consultant de l'Anep, Sid Ali Sekhri. Amine Goutali Bio express : Né en 1985 à Alger, Djawad Rostom Touati est licencié en économie internationale et titulaire d'un master en management. Lauréat du Prix de la Meilleure nouvelle organisée par Arts et Culture (2005) et celui du Feliv (2015). Il obtient le 2e Prix Ali-Maâchi (2013) avec ce roman.