La résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, instaurant une zone d'exclusion aérienne en Libye, est-elle, au-delà de son caractère formel, légitime, notamment au sujet de la clause autorisant le recours à la force ? Si tel est le cas, pourquoi alors n'a-t-elle pas suscité l'unanimité parmi les puissants de ce monde, et surtout des organisations régionales, à l'image de l'Union africaine qui a tout simplement condamné l'« agression » des forces coalisées ? Cela va sans dire du motif, le devoir de protéger des populations civiles en danger, qui n'a pas réuni les conditions nécessaires à sa mise en œuvre. A ces multiples questions, ont tenté de répondre de nombreux diplomates, universitaires, et autres spécialistes des questions internationales dans une conférence-débat organisé hier à Alger par le Centre de recherches stratégiques et sécuritaires (CRSS). Une rencontre animée par le colonel à la retraite, Noureddine Amrani autour de la question très technique des conditions d'application de la zone d'exclusion aérienne. Si de nombreux intervenants ont convenu de la responsabilité sinon l'aventurisme et la folie meurtrière de Mouammar Kadhafi envers son peuple, les raisons ayant poussé au recours à la force, même sous la houlette onusienne, demeurent, à leurs yeux, floues pour ne pas dire qu'elles incarnent des velléités dominatrices des pays occidentaux, notamment au sujet du pétrole. Pour certains spécialistes présents, la coalition des forces qui « agresse » la Libye a agi sur fond de divisions profondes. Pas de consensus à l'Union européenne, dissensions à la ligue arabe, refus catégorique de l'Union africaine, et surtout l'abstention de deux grandes puissances, la Russie et la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité. D'où le cafouillage suscité à propos de l'organisation devant prendre le commandement des opérations. Si la prise en main de l'Otan paraît évidente sous la pression américaine, cela mènerait, selon ces derniers, les pays engagés à commettre une flagrante transgression de la résolution 1973, dont ils sont pourtant initiateurs. Autre question soulevée : quel serait l'avenir politique de la Libye une fois la guerre achevée ? A cette question, les conférenciers apportent deux réponses distinctes : la première évoque une probable scission du pays en deux pôles : la Cyrénaïque, région riche en pétrole avec Benghazi comme capitale d'un côté, et la Tripolitaine de l'autre. La seconde thèse soulevée se rapproche plus du scénario irakien, avec pour objectif l'émiettement du pays.