Le flux incessant des 25.000 migrants arrivés à bord de canaux et de bateaux de pêche de fortune. La bombe de l'immigration illégale, née de l'instabilité régionale, risque à tout moment de faire exploser les fondations européennes. Face au défi du « tsunami humain », l'Italie, en première ligne, accuse ses partenaires de l'Union européenne, particulièrement la France, de déficit de solidarité. « Soit l'Europe est une chose réelle et concrète, soit elle ne l'est pas et, dans ce cas, mieux vaut suivre chacun son chemin, en laissant tout le monde à sa propre politique et à son égocentrisme», a dit le président du Conseil italien lors d'une visite sur la petite île de Lampedusa, à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie, au cœur de la crise humanitaire marquée par le flux incessant des 25.000 migrants arrivés à bord de canaux et de bateaux de pêche de fortune. Si, pour le cas des « réfugiés politiques » installés depuis le 6 avril, la carte de la « dissuasion psychologique » s'inscrit dans la démarche de rapatriement des migrants illégaux, le recours aux « visas humanitaires » accordés aux « réfugiés économiques » ne fait pas consensus. L'Italie qui ne veut pas payer seule le coût de la vague d'immigration a décidé de délivrer un permis temporaire de 6 mois permettant une libre circulation dans l'espace Schengen. Elle se revendique de la « solidarité géopolitique » en dépassement de la « solidarité financière » jugée insuffisante. Cette approche est vivement contestée par Paris, Berlin et La Haye qui crient à la violation de l'esprit Schengen conçu comme « un espace de solidarité ». Cas d'espèce : les visas octroyés à des Tunisiens pour des raisons humanitaires alors que la chute du régime de l'ex-président Ben Ali supprimait les raisons d'accorder l'asile. «On se trompe en disant que l'Italie gère seule cette crise sans le soutien de ses partenaires européens », a souligné, dans une interview au quotidien La Repubblica, le ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez. Il cite, à titre d'exemple, l'opération Hermès de surveillance des côtes italiennes ou les 38 millions d'euros de fonds migratoires européens reçus en 2010 par l'Italie. Pour le ministre français, « cette solidarité s'exprime autrement que par la réinstallation des migrants irréguliers dans d'autres Etats membres ». Le risque de contagion inquiète. Dans cette France qui n'a pas l'intention de « fermer la frontière avec l'Italie », le renforcement des mesures de surveillance et de contrôle d'identité est de mise. Le syndrome lepéniste ? Aux accusations du ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, affirmant que la position du gouvernement français sur l'immigration était dictée par «le poids» du Front national, le ministre français des Affaires européennes a réfuté les « gesticulations médiatiques » et toute influence du parti extrémiste sur la politique étrangère de la France. L'Europe désunie fait naufrage dans un traitement discriminé de la question humanitaire régie, sans conteste, par une tendance lourde de l'européo-centrisme révélateur du poids des égoïsmes nationaux du Nord et les mythes du « devoir d'ingérence humanitaire » conçu comme une arme de pression et de déstabilisation des pays du Sud. Cas d'école : le mode interventionniste en Libye, légitimé par des considérations « militaro-humanitaires » de nature à « protéger les civils », en opposition avec la chasse aux victimes de la crise, privés du droit d'asile et d'accueil.