L'Otan en crise ? Son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, travaillé par le syndrome irakien, affirme redouter les périls de l'enlisement et du renforcement d'al Qaïda dans la région saharo-sahélienne. Il se revendique d'une solution politique qui sera au centre des débats, lors de la réunion de Berlin regroupant les chefs de la diplomatie des pays membres. L'urgence se fait d'autant plus sentir que l'inefficacité des frappes militaires, conjuguées à l'incapacité de l'opposition de Benghazi de peser sur le cours des événements, favorise la persistance du statu quo. Les 17 jours de raids aériens ont seulement permis la destruction du tiers du potentiel militaire de l'armée de Kadhafi, selon une évaluation du commandant en chef de l'opération «Protecteur unifié», le général canadien Charles Bouchard. L'intervention de la coalition internationale, procédant au transfert du commandement à l'Alliance atlantique marquée par le retrait américain, connaît ses premières limites. Elle est inscrite dans l'absence de consensus inhérent au principe de l'engagement et à la démarche suivie. Les partisans du recours à la force crient à l'intensification des bombardements. C'est le cas de la France, le plus gros pourvoyeur en chasseurs-bombardiers, critiquant le rôle insuffisant de l'Otan. «Il faut faire un effort majeur pour accentuer l'aide humanitaire» et enfin «enclencher un processus politique» qui sera l'objet de la deuxième réunion du groupe de contact, a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Son collègue britannique, William Hague, a également appelé l'Otan à «intensifier» ses opérations et invité les autres pays participant à l'intervention à apporter davantage de moyens. Il a rappelé à cet effet que Londres a consenti à l'envoi des «avions supplémentaires capables de frapper des cibles au sol». Cette approche est rejetée par l'Espagne et l'Italie formulant des «réserves» sur l'option militaire. Tout en jugeant que l'Otan «fait du bon travail» et que la «zone d'exclusion aérienne est un succès», le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires européennes, Diego Lopez Garrido, a estimé qu'il n'y a rien à «réviser en ce moment». Pour le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, le sentiment de «perplexité» s'explique par le fait que l'Italie a «déjà mis des moyens à la disposition de l'Otan». Le fossé se creuse au sein de l'Otan portée à bout de bras par le couple franco-britannique supportant, comme vient de le déplorer le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, devant l'Assemblée nationale, «l'essentiel» de l'effort militaire. Entre le camp des irréductibles et le groupe des récalcitrants, les différences d'approche minent un débat houleux qui n'est pas sans conséquence sur la conduite des opérations supposées humanitaires. Ainsi, la «mission militaro-humanitaire» (sic !), confiée à l'Union européenne pour sécuriser l'acheminement de l'aide à Misrata, suscite à son tour les réticences de la Suède, les réserves britanniques et, surtout, l'hésitation de l'ONU. En revanche, la participation allemande, assimilée à un «oral de rattrapage» par Gérard Longuet, exprime davantage le malaise européen dans ce charivari atlantiste.