Al Qaïda en route vers Misrata ? Pour Tripoli qui a, dès le début du conflit, mis en garde contre la main salafiste, le doute n'est plus permis. «L'implication d'al Qaïda est prouvée chaque jour», assure le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim jugeant dangereux le scénario de l'afghanisation de la Libye «à quelques pas de l'Europe». Dans une conférence de presse, tenue dimanche soir, il est revenu sur les accusations jugées farfelues et présentées comme une tentative de diversion de Kadhafi visant à occulter la nature du soulèvement en Libye. Il a déclaré disposer d'informations selon lesquelles, le noyau dur d'al Qaïda à Benghazi se prépare à l'assaut de Misrata avec la complicité de la coalition. C'est à bord d'un bateau égyptien Al-Chahid Abdewahad, chargé d'armes et de moyens de communication modernes, que le « dirigeant très connu d'al Qaïda» et des «services de renseignements à travers le monde», Abdelhakim El Hasadi a embarqué en compagnie de 25 « combattants bien entraînés ». Deux camps d'entraînement ont été institués. Le camp du 7 Avril, dirigé par Ismaïl Sallabi du GICL (Groupe islamique de combat libyen) est destiné à la formation de 200 éléments avec l'aide d'une vingtaine d'experts envoyés par Qatar. L'autre « camp Abouatni » est conçu pour l'encadrement des forces spéciales. Dans l'arène libyenne, la piste d'al Qaïda, révélée par ailleurs par la mort au combat à Brega de Abdelmoumen Al-Madhouni, recherché par Interpol et les Etats-Unis, n'indiffére plus. Elle a suscité le scepticisme de Washington qui s'est interrogé sur l'identité de l'opposition de Benghazi connu pour être un fief de l'islamisme. Selon l'ancien ambassadeur de France en Jordanie et conseiller de l'Ifri (Institut français des relations internationales) pour le Moyen-Orient, Denis Bauchard, « l'Est du pays a toujours été sous influence des Frères musulmans, c'est aussi là qu'un certain nombre de djihadistes ont été recrutés par al Qaïda et ont rejoint Ben Laden en Afghanistan ». Le phénomène est conforté par la filière libyenne d'al Qaïda qui représente, après les Saoudiens, le plus fort contingent des djihadistes présents en Irak, d'après des informations recueillis par les Américains en 2007. La thèse de la mainmise d'al Qaïda sur le mouvement hétéroclite de Benghazi admise par nombre de pays et d'acteurs internationaux s'impose en réalité de plus en plus. Si l'éventualité n'est pas écartée par le patron de l'Otan, l'amiral américain James Stavridis, détectant fin mars des « signes de présence des militants d'al Qaïda dans les rangs des insurgés, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, ne fait plus mystère de la donne islamiste. Lors de la réunion du conseil Russie-Otan, organisée vendredi, il a affirmé, dans un point de presse, qu'«il y a malheureusement des informations selon lesquelles al Qaïda et d'autres groupes terroristes pourraient profiter de la situation en Libye. Aussi, la vigilance n'est pas superflue ». Face au risque de prolifération d'armements, déjà réelle avec la mainmise sur des arsenaux de Benghazi, la poudrière libyenne fait peser de lourdes menaces sur la stabilité des régions sahélienne, maghrébine et l'ensemble méditerranéen.