Dans la ville de Tipasa, face au musée, un petit magasin de brocante a ouvert ses portes il y a maintenant 10 mois. Les objets qui y sont exposés confèrent pour ainsi dire à l'endroit une particularité qui le différencie nettement des autres échoppes activant dans le même créneau. C'est une véritable caverne d'Ali Baba. Ses visiteurs le comparent volontiers à un écrin d'histoire, dont la richesse se dissimule joliment dans les moindres détails et contours des œuvres et autres collections qui garnissent les coins et recoins du local. «En pénétrant ici, on a vraiment l'impression d'accomplir un voyage fantastique à travers les sédiments de notre histoire, car chaque objet exposé raconte une séquence de notre passé, apporte un détail. Et l'ensemble, dessine dans une harmonie irréprochable, une toile magique reflétant un pan de notre vécu en tant que peuple» avoue, Mourad de Ain Tagourait, sa fascination pour les lieux. Pour reprendre les propos de ce dernier, l'artiste qui a réalisé cette belle toile, en l'occurrence le propriétaire du magasin, est une personne remarquablement modeste. Il s'est dévoué dès l'âge de neuf ans à sa passion. Une passion qui le guide et l'oblige à entreprendre souvent une quête, même à l'étranger, pour dénicher la perle rare et enrichir ainsi ses collections. Philatéliste, cartophile, épris de la numismatique et de la photo, au fil du temps, il est devenu une valeur sûre dans le monde des collectionneurs. «Sa notoriété dans ce domaine n'est plus à prouver» dit de lui son ami, qui passe souvent son temps dans la boutique rien que pour le plaisir de contempler les pièces exposées. «Je suis un fils de moudjahid et petit fils de Chahid. En vous disant cela, mon intention n'est pas de vanter ma famille, mais pour vous dire que l'amour de la patrie m'a ouvert les yeux et a été pour beaucoup en décidant à concentrer mes recherches et efforts sur tout ce qui se rapporte à l'Algérie, notamment la période coloniale et postindépendance. Autrement dit, mes collections, que ce soit de timbres, de monnaies, de cartes postales, de photos ou bien d'autres reliques, sont étroitement liées à notre histoire. Pour les réunir, j'effectue souvent du troc avec d'autres collectionneurs même à l'étranger» confie-t-il. Parmi les fruits d'un troc réalisé en France avec un ex-pied-noir, une grande carte géographique détaillée de l'Algérie, en papier tissu, qui date de 1895. Pour rester toujours au XIXe siècle, ce dernier possède une collection de stéréotypes d'Algérie (daguerréotype) l'ancêtre de la diapositive, dont certaines remontent à l'année 1852. «Je possède des manuscrits de l'administration coloniale qui remonte aussi au XIXe siècle à l'instar du 1er rapport signé par Clauzel, lorsqu'il a pris son poste à Alger» ajoute-t-il. Pour revenir à l'ambiance au sein de la boutique, on y remarque dès l'entrée une dizaine d'appareils photos de projecteurs cinéma et caméras accrochés le long des murs. «Ce sont des appareils anciens, dont beaucoup fonctionnent manuellement. Ils sont tous en état de marche, je possède même des pièces très anciennes qui n'ont jamais servi» assure-t-il. «Visiter des yeux toutes les œuvres exposées exigent énormément de temps, tant qu'on est fasciné et captivé par chacune d'entre-elles. La preuve, je risque de repartir bredouille, car je n'arrive pas à décider quel objet acheter» confie Sid Ali de Tipasa qui néanmoins avoue être tombé sous le charme d'une authentique affiche Wanted qui met à prix la tête du célèbre bandit Jesse James du Far West à 800 dollars, exposée juste à côté d'une belle horloge murale et un gouvernail d'un bateau qui date au moins d'un siècle et demi. A quelques centimètres du gouvernail, on aperçoit une paire de skis très ancienne réalisée avec du bois. «Dans ma boutique, j'expose en plus d'une partie de mes collections, de la tapisserie algérienne, des toiles, des lustres, des petits meubles, matériels de musique et toutes autres sortes d'objets chargés de nostalgie». En guise d'au revoir, le propriétaire a tenu à nous faire écouter un très beau morceau de musique d'opéra. La belle voix a été tout bonnement exhumée d'un vieux gramophone âgé d'un siècle. «S'il vous plait ! Il n'est pas nécessaire de mentionner mon nom, car l'essentiel pour moi, c'est d'évoquer la beauté de ces objets qui ont une valeur incommensurable à mes yeux» précisera-t-il avec sa modestie légendaire. «Il n'aime pas qu'on parle de lui. Il s'efface volontiers pour bien mettre en valeur ses chères collections» le taquine à ce propos l'un de ses amis. Ainsi, si la route vous mène un jour à Tipasa, n'oubliez pas d'effectuer un tour chez le brocanteur-collectionneur de la ville. Evasion assurée.