Donné partant en vertu du plan de sortie de ses voisins du Golfe, Ali Abdallah Saleh prend tout le monde à contre-pied et brouille les cartes d'une solution toute faite. Le chef d'Etat yéménite qui a déjà rabroué à trois reprises la médiation du Conseil de coopération du Golfe (CCG), a déclaré hier devant les membres du bloc parlementaire de son parti le Congrès populaire général (CPG) qu'il «s'en remettrait aux urnes pour une transition du pouvoir». «L'ère des coups d'Etat, a-t-il clamé, est révolue, et une transition pacifique du pouvoir passe exclusivement par les urnes». S'agit-il d'une remise en cause de l'accord qu'il a bel et bien donné aux médiateurs du CCG ou d'une manœuvre pour s'accrocher au pouvoir ? Plaiderait-il ainsi pour un référendum populaire sur son maintien ou non ? Vendredi dernier, il a réaffirmé son accord, en précisant néanmoins qu'il ne cèderait le pouvoir que dans le cadre d'un processus ordonné et constitutionnel. D'autant que ses représentants et des membres l'opposition sont déjà à Ryad. Les ministres des Affaires étrangères du CCG, eux, semblent résolus à mettre en œuvre leur «feuille de route». Une réunion est prévue ce dimanche à Ryad au cours de laquelle l'accord en question «pourrait être signé», avant sa proclamation solennelle, le lendemain au cours d'une cérémonie officielle. Cette réunion extraordinaire vise à «compléter les dispositions pour l'adoption de l'initiative». Des représentants du pouvoir yéménite et de l'opposition, qui ont tous deux accepté le plan de sortie de crise, devraient participer à cette réunion. Le plan a été par contre vigoureusement rejeté par le mouvement de contestation populaire qui a appelé à la désobéissance civile pour chasser du pouvoir et sans aucune condition préalable le président contesté. Des centaines d'entre eux ont marché hier en direction de l'ambassade d'Arabie Saoudite à Sanaa pour protester contre ce plan qui aurait fait fi, selon eux, de la répression qui a fait plus de 130 morts. L'initiative du CCG prévoit la démission, avec une garantie d'immunité, du président Ali Abdallah Saleh, un mois après la formation par l'opposition d'un gouvernement de réconciliation nationale. Au 29e jour de la mise en application de l'accord, la Chambre des députés approuverait une loi accordant l'immunité au président et à ses collaborateurs. M. Saleh démissionnerait ensuite en faveur du vice-président qui aurait à organiser, dans un délai de 60 jours, une élection présidentielle. Le Parlement élaborerait ensuite une nouvelle Constitution qui serait soumise à référendum et suivie par des élections législatives.Sur le terrain, la situation demeure tendue. Deux policiers et un manifestant ont été tués hier dans des heurts à Aden, au sud du pays. Les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants anti-régime armés qui bloquaient les routes à l'aide de blocs de pierres dans le cadre d'une journée de «désobéissance civile» à Aden, à la pointe de la contestation contre le pouvoir du président Ali Abdallah Saleh.