En 1956, elle est montée au maquis avec sa propre sœur et d'autres filles de son village fuyant les viols qui étaient commis impunément par les soldats français : «j'avais 14 ans…» Parlant un français parfait cette grand'mère née et vivant encore dans le mont Chenoua portera en elle jusqu'à sa dernière heure «ses» années dans les djebels. Vive, menue, la parole facile et le regard à peine fatigué, elle avoue être pressée de quitter Alger pour rejoindre sa maison, «el houch», une demeure «où l'on est pas en prison comme dans vos appartements». En attendant elle se laisse aller dans sa conversation : «voilà, regarde mes papiers j'étais membre de l'ALN mais je n'ai pas opté pour la carte de moudjahida. Puis elle revient à ses souvenirs des 14 printemps où elle a pris le chemin des maquisards, confiant son don de poétesse populaire : «j'ai été baptisée Nachida parce que j'ai composé un grand nombre de anachids (chants patriotiques) qui ont été repris par les frères jusqu'en Tunisie…». On ne saura rien sur son prénom de baptême, mais on écoutera d'une oreille attentive ses poèmes-chants inspirés par la conjoncture politique d'une guerre d'indépendance et les conditions de vie du peuple algérien et des combattants pour la liberté. Elle chante et récite en même temps d'une voix assourdie et avec émotion quelques-uns de ses textes issus de son inspiration de jeune fille dans l'attente de l'indépendance. Lorsqu'on lui demande de faire un travail plus approfondi sur ses textes, elle s'emporte presque : «non ! Jamais ! Les journalistes se remplissent les poches avec notre travail et il n'y a pas de compensation pour nous !». Elle reste assez réticente, bien que ses écrits serviront à perpétuer la mémoire.