L'alliance pakistano- US, érigée en modèle de coopération de la lutte contre le terrorisme depuis 2001, a pris du plomb dans les ailes. Entre Washington décidé de recourir unilatéralement aux frappes aériennes et Islamabad menaçant de réviser la relation stratégique, rien ne va plus. A l'évidence, l'opération héliportée d'Abottabad, menée à l'insu des autorités pakistanaises et conclue par la mort de Ben Laden, a laissé des traces dans un pays écartelé entre le poids de l'opinion nationale profondémnt anti-américaine et la fidélité à l'allié américain. De ce fait, l'armée pakistanaise qui a reconnu les «insuffisances» dans la collecte des renseignements sur la localisation de Ben Laden, a dénoncé la violation répétée de la souveraineté nationale. Le chef d'état-major, le général Ashfaq Parvez, a clairement indiqué, dans un communiqué, que toute nouvelle action de même nature «entraînerait un révision du niveau de la coopération militaire et dans le domaine du renseignement avec les Etats-Unis». Dans cette première réaction officielle de l'armée, secouée par les accusations d'incompétences et, au mieux, de complicités avec El Qaïda, l'avenir tumultueux de la coopération pakistano-américaine est lourd d'incertitudes. Hier, Washington, faisant fi de la menace d'Islamabad. Les drones sont de nouveau passés à l'action dans la région de Datta Khel, dans le district tribal du Waziristân du Nord, ont indiqué des responsables militaires pakistanais, où 8 islamistes ont péri. La guerre dans les zones tribales, frontalières avec l'Afghanistan, bat son plein et ne semble pas s'accommoder des considérations conjoncturelles. Dans cette « région la plus dangereuse du monde», abritant le bastion des talibans pakistanais contractant allégeance, en 2007 avec Al-Qaïda, et considéré comme «la base arrière» des talibans afghans, la lutte reste impitoyable entre les filières de l'internationale terroriste, responsables de la vague de quelque 450 attentats suicide pour la plupart, qui ont fait, en trois an et demi, plus de 4.200 morts dans tout le pays, et les Etats-Unis, entamant, en 2004, la campagne des drones de la CIA qui s'est nettement intensifiée, depuis l'été 2008, pour devenir ces derniers mois quasi-quotidiennes. En 2010, une centaine de tirs ont fait plus de 670 morts dont un nombre indéterminé de civils. Cette nouvelle frappe qui intervient cinq jours après le raid contesté d'Abottabad met à mal une coopération frappée du sceau de l'unilatéralisme américain et minée par la perte de confiance en l'allié régional. Elle coïncide avec la vague de protestations lancées, à l'appel des partis islamistes dont le Jamaat-e-islami à travers tout le Pakistan, pour protester contre «les violations de la souveraineté» par Washington. Les manifestations devenues monnaie courante n'ont, certes, pas rassemblé la grande foule dans les deux grandes métropoles (Islamabad et Karachi avec respectivement 15 et 8 millions d'âmes), ni à Abottabad martyrisé, ni à Peshawar, le bastion islamiste. Mais, le Pakistan, dans l'œil du cyclone, redoute un retour de flammes qui risque de mettre en péril ses fondements et son équilibre interne.