Boualem Kherrous comme les grands professionnels à envergure internationale est en mesure de présider un ensemble musical. Mieux encore, il le réussit. Démonstration. Vous venez de donner un spectacle à l'occasion de la sortie d'un 6e CD. Parlez-nous de ce nouveau-né ? C'est un travail de longue haleine. Nous l'avons réalisé durant une année. Ce CD sort des sentiers battus. Ce CD est typique vu qu'il est novateur. Dans cette nouvelle production, nous avons enregistré des morceaux de hawzi presque disparus de la pratique musicale actuelle. On citera l'exemple de «Mal hibi hadi mouda ma rdali». Un chef d'œuvre de Lili El Abassi, très prisé par l'auditoire au courant des années 40. Dar El Gharnatia a une grande audience. Comment comptez-vous maintenir ce niveau et rester dans le gotha du succès ? A vrai dire, si aujourd'hui nous avons réussi, c'est en grande partie grâce au dévouement et à l'abnégation portés à la musique andalouse. C'est bien plus qu'un métier, c'est une passion. Parlez-nous de votre orchestre, sa composition, ses compétences et les attributions de chaque musicien ? Notre association se veut une fenêtre et un rayonnement culturel. Créée en 1972 par un groupe de spécialistes, elle œuvre à la protection du patrimoine artistique andalou algérien et à la promotion à travers la formation continue des jeunes musiciens. Quel regard portez vous sur l'état actuel de la musique arabo-andalouse en Algérie ? Aujourd'hui, l'andalou a beaucoup évolué en Algérie grâce au travail associatif, car il a envahit même les régions les plus reculées de notre pays. Ces associations qui se consacrent à l'apprentissage de cette musique savante, ont effectivement fait un travail excellent de sauvegarde de cette musique. Existe-t-il selon vous, des difficultés qui minent le secteur de l'andalou ? D'emblée, je réponds par la négation. Je réitère que la musique andalouse a énormément évolué en Algérie grâce au travail associatif, sans oublier le soutien et la subvention de l'Etat. Toutefois, il existe un problème d'ordre instrumental. C'est-à-dire, le coût de l'instrument de musique qui reste inaccessible. Quelles armes et quels leviers sont les vôtres pour répondre à la concurrence ? Je ne pense pas qu'il existe une concurrence entre les associations étant donné que l'on joue un répertoire musical connu. Pour moi, chacune des associations a son propre timbre, son style qui la différencie d'autres associations. Comment jugez-vous le niveau des musiciens de votre association ? Avec mon expérience, je suis capable d'apprécier les capacités d'un musicien dès qu'il joue les premières mesures. Il faut des dizaines d'années pour devenir un bon instrumentiste et encore pour le rester, il faut entretenir sa dextérité en s'exerçant régulièrement plusieurs heures chaque jour et cela, sans manquer un seul jour. C'est une discipline de fer, j'en conviens. Les jeunes musiciens qui forment cet orchestre sont talentueux et armés d'une solide volonté de se parfaire et de se construire une carrière de musicien. Quand ce talent et cette volonté existent, l'art de jouer d'un instrument devient une évidence. Avez-vous remarqué parmi ces jeunes musiciens des talents qui se distinguent par rapport à l'ensemble ? Dans tout groupe, il existe forcément quelque uns qui se détachent par des qualités et des prouesses. Oui, j'ai effectivement remarqué des jeunes qui possèdent des talents rares et qu'il faudrait encourager. Il faut donner à ces jeunes talents les moyens de progresser et de s'épanouir. Je pense particulièrement à Medjaji Walid (mandoline), Chahrazad Hadji (violoncelle), Yazid Belouti (Kouitra), Lilia Elmayine (mandoline). Dans votre dernier concert, le programme que vous avez préparé était à la fois varié et compliqué. Avez-vous le sentiment que l'interprétation était réussie ? Ce concert a été une réussite. Les passages en solistes se sont déroulés comme prévu. Malgré la différence d'âge des musiciens, l'unité et l'accord ont été satisfaisants. L'appréciation du public qui a applaudi chaleureusement en est un témoignage évident. Je pouvais compter sur la volonté de bien faire de ces jeunes musiciens. Je l'avoue, ces jeunes musiciens ont agi comme des professionnels et ont suivi à la lettre les indications du professeur Mohamed Chérif Saoudi. Avez-vous pris plaisir à former ces jeunes musiciens moins expérimentés ? J'ai beaucoup apprécié le respect et la considération que ces musiciens me portent. J'ai aimé leur naturel et j'ai été ému et touché par l'expression de leur timidité face au maître. Cette complicité a resserré davantage nos liens fraternels. Je souhaite du fond du cœur à chacun, un brillant et éclatant parcours de musicien. Des projets en vue ? Nous préparons pour le mois d'octobre la 3e édition du festival «Kolea andalouse». Comme nouveauté, nous inviterons deux formations magrébines issues du Maroc et de la Tunisie. Nous prendrons part à la manifestation Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011. Nous comptons Incha' Allah organiser un grand spectacle à Grenade en Espagne.