Belle rencontre avec Farid Khodja, avec qui nous nous sommes promenés dans des histoires d'amour et de passion. Un avant-goût d'un CD qui fera chavirer vos cœurs à vous enivrer. Nous venons d'apprendre que Farid Khodja a enregistré un nouveau CD plein d'ivresse… C'est vrai qu'au départ on voulait intituler ce CD «Ivresses andalouses», car la thématique récurrente dans l'andalou, autant que dans les excroissances de la musique algérienne, notamment le âroubi ou le hawzi, est la femme, l'amour, la nature, mais il y a le vin qui revient assez souvent. Sinon ivresses voudraient dire ivresses de l'amour, du plaisir de la rencontre et pourquoi pas chez les Soufis, l'ivresse pour Dieu. A la fin nous avons opté pour un autre titre «Sérénades», cela demeure toujours un hymne à l'amour, aux poèmes. Peut-on dire qu'en choisissant les textes chantés dans ce CD vous avez renoué avec les grands du hawzi ? Nous avons choisi de rendre hommage aux grands maîtres du hawzi avec des textes de Bensahla, Bentriki, de Bensaïd et aussi d'anonymes chantant l'amour, l'exil, à l'exemple de Laoum lafdoul, Ma assaab dek n'har jani bechar. Des sonorités avec des couleurs tlemcéniennes, algéroises et maghrébines. Ya ness rit âdra de Bensaïd Tlemçani n'a plus été enregistré depuis 1930. Beaucoup font partie du patrimoine marocain et algérien. On a l'impression que vous racontez une histoire... Effectivement, l'agencement des morceaux du CD se veut une progression logique dans la thématique, de la recherche de l'âme sœur au désespoir de cause quand l'amoureux, qui subit les affres de l'amour, s'en va trouver refuge et apaisement auprès du taleb. D'ailleurs Koul men ychouf ghzali kay Yyhablou en est l'illustration tout à fait musicale. Vous avez repris un morceau Salef Makmoulet Elbha pour rendre un hommage à Hadj Mahfoud, promenez-nous dans cette histoire… Le morceau est très beau et on y raconte comment une simple natte offerte par la dulcinée pourrait être un gage d'amour, mais aussi de désunion. A l'époque, dans la mémoire collective algérienne, la beauté d'une femme se mesurait à la longueur de sa natte, sacrifier donc un morceau de sa natte est considéré tel un gage très fort. On le donne donc à son amoureux et on l'invite à le garder soigneusement, car à chaque fois qu'ils se retrouveront, il faudra montrer le gage. Un passage du texte dit : «Elle me l'a laissée en souvenir lorsqu'elle m'a rendu visite. Dans ma poche je l'ai mise, mais je l'ai égarée. J'ai peur de sa propriétaire. Qui serait plus nantie que moi-même. Nabuchodonosor n'a pas cette natte. Ma natte vaut mieux que tous les trésors qu'il avait accumulés durant toute sa vie.» Il faudra écouter la suite pour en apprécier la beauté. Hadj Mahfoud n'a pas seulement chanté des chansons d'amour, mais a également chanté des poèmes soufis… Hadj Mahfoud est un précurseur dans ce domaine dans la mesure où dès son retour du pèlerinage, il avait continué à chanter tout en remplaçant les paroles des mçedder, des btayhi et inçiraf surtout par des vers empruntés aux registres panégyriques. Il a chanté son amour pour le Divin. Farid Khodja éternel amoureux ? Qui ne l'est pas ? Quand on chante l'andalou on ne pourrait qu'être qu'amoureux. A quand la sortie dans les bacs ? Vous savez, l'enregistrement du CD est finalisé et s'il n'est pas encore chez les disquaires c'est essentiellement lié à des raisons financières. Peut-être qu'un mécène acceptera de financer sa sortie. Je le souhaite, car c'est un travail accompli avec beaucoup de cœur et d'amour pour les textes chantés et j'aspire à les faire écouter à mon public et à ceux qui veulent découvrir ce CD. On sait que Farid Khodja à un public, qu'il chante merveilleusement, pourtant on ne le voit que rarement se produire. Ne dit-on pas qu'un artiste ne vit qu'à travers son public ? Certes, il est très important d'être au contact de son public, mais je vous avoue que je n'ai pas cette faculté d'aller frapper aux portes des institutions culturelles et artistiques pour leur proposer mes services. J'essaie tant bien que mal de me faire connaître à travers mes enregistrements et c'est à mes sons d'aller frapper aux portes.